II-A-3

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II- Des objets aux données, des données aux objets[modifier | modifier le wikicode]

Temps : une autre chronologie des usages, une autre perception de l’épaisseur temporelle[modifier | modifier le wikicode]

Frédéric Clavert/frederic.clavert(a)uni.lu

La dématérialisation des objets patrimoniaux abolit certes les contingences spatiales, mais elle produit aussi un rapport au temps différent. Le fait de pouvoir accéder hic et nunc à tous types de données contraint l’utilisateur à une gestion du temps, de son temps, radicalement nouvelle : morcellement, zapping, perception de l’épaisseur historique… Le temps public de l’observation in situ est remplacé par un temps privé qui, selon les conditions, peut se rétracter ou s’étirer. Il y a, dans l’observation solitaire du patrimoine numérisé, une dimension temporelle différente, qui rompt avec les rythmes institutionnels, celui des heures et jours d’ouverture, des vacances, des événements ponctuels, des affluences, des séances, des abonnements, des règlements. La question du temps est aussi celle de sa marque. Que dire en effet de la disparition des traces d’usure, craquellement des photos, jaunissement du papier, marques sur les vieilles pellicules du cinémascope, grésillement si caractéristiques des vieux vinyls… Les techniques numériques permettent de supprimer toutes ces scories qui sont autant d’éléments qui permettent d’inscrire le patrimoine dans la durée. Mais à l’inverse, elles peuvent aussi les restituer, voire les réinventer pour donner l’illusion d’une patine d’ancienneté.

Une troisième relation à la temporalité est enfin celle de la pérennité des supports numériques. Brewster Kahle, qui, dès 1996, investit le patrimoine numérique en se lançant, avec la création d’Internet Archive, dans le projet titanesque d’archiver le Web mondial, soulignait déjà cette question : « alors qu’il est possible de lire un livre ancien de 400 ans imprimé par Gutenberg, il est souvent difficile de lire une disquette informatique qui a 15 ans »27. L’obsolescence rapide des matériels, des supports et des standards confère au patrimoine numérisé une fragilité qui peut susciter aussi bien une course technologique à la recherche de solutions pérennes qu’une nouvelle philosophie patrimoniale qui intègre sereinement la possibilité de l’oubli ou de la perte et la sélection raisonnée de ce qui doit être transmis.


Pistes de réflexion :[modifier | modifier le wikicode]

● Economie de l’attention

● Accessibilité immédiate

● Redéfinition de la visite à travers une nouvelle temporalité : temps de visite des patrimoines: avant (documentation en ligne, etc.), pendant (in situ et en ligne) et après (commentaires, rating, blogs/réseaux sociaux/wikis, etc. en ligne)


Bibliographie :[modifier | modifier le wikicode]

BACHIMONT B. « Disponibilité et patrimonialisation: le numérique et le passage du temps. ». [En ligne]. sans date. Disponible sur : <http://www.unige.ch/rectorat/maison-histoire/Laboratoires-de-recherche/archives-s avoir/Bachimont_Patrimoine_numerique.pdf >

Bernard Stiegler, La technique et le temps , Galilée, 3 tomes 1994– 1996 - 2001, réédition à venir chez Fayard https://www.oezratty.net/wordpress/2012/numerique-et-distorsion-du-temps/

Yves Citton, Médiarchie , Le Seuil, 410 p.

Jean-Louis Comolli, Cinéma, numérique, survie : L'art du Temps. ENS éditions H OURCADE J.-C., L ALOE F., Longévité de l’information numérique: Les données que nous voulons garder vont-elles s’effacer ? EDP Sciences, 2013, 77 p., ISBN : 978-2-7598-0872-4.

Alain Carou, « Quel avenir pour un patrimoine numérique ? », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 41 | 2003, mis en ligne le 21 novembre 2007, consulté le 22 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org.ezproxy.univ-paris3.fr/1895/813 ; DOI : 10.4000/1895.813

H EDSTROM M., « Digital preservation: a time bomb for digital libraries ». Computers and the Humanities . 1997. Vol. 31, n°3, p. 189.

DOUEIHI M., « Google ou le temps effacé ». Medium . 2010. n°2, p. 54–62.


27 Archiving the Internet, 1997