III-A-4

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A - Usages et pratiques des patrimoines numérisés : une approche comparative[modifier | modifier le wikicode]

4. Appropriations, détournements artistiques[modifier | modifier le wikicode]

Martine Beugnet / beugnetmartine(a)gmail.com

FOUNDFOOTAGE NUMERIQUE : DE L’APPROPRIATION À L’ARTIFICATION[1]


Les images de film circulent. Plus que jamais depuis leur numérisation, elles sont extraites, collectées, retouchées, remontées et rediffusées sur des supports variés, avec des conséquences indéniablement positives (redécouvrir des films, explorer la plasticité inégalée de l’image de cinéma) et d’autres plus controversées (le ‘visionnage’, individuel, fragmenté, distrait, qui remplace le regard attentif, partagé, et le spectacle collectif).

L’invention du magnétoscope et la circulation des films, d’abord sous forme de cassettes VHS puis de DVD, et enfin de fichiers dématérialisés, ont en effet révolutionné nos habitudes de spectateurs: à partir d’un DVD, ou d’une plateforme de visionnage, on peut désormais regarder un film ailleurs que dans un cinéma (de fait, la plupart d’entre nous voient ou revoient plus de films par ce biais qu’en salle), mais aussi le télécharger ou le copier partiellement ou en totalité. En dépit des restrictions techniques et légales imposées par les détenteurs de droit (qu’il s’agisse des auteurs, producteurs ou diffuseurs), dupliquer des images de film est devenu un geste courant, et même si l’archive reste sélective, avec un cinéma classique ou commercial surreprésenté, il faudrait au cinéphile plusieurs vies pour parcourir la collection de titres devenus accessibles grâce à la numérisation.

L’avènement du numérique a ainsi contribué à nourrir une tendance « archivistique » qui touche aussi bien l’usager lambda, l’artiste, le curateur que le chercheur. Les modes d’appropriation, créatifs et démocratiques, parasitiques ou vampiriques, de l’archive cinématographique numérisée, ont fait l’objet d’une pléthore d’ouvrages et d’articles, marqués par une polarisation des approches, selon qu’elles émanent des théoriciens et des historiens du cinéma, des théoriciens des « nouveaux médias » ou des historiens de l’art. Quand il est envisagé sous ses formes artistiques, ce penchant contemporain pour l’exploitation de l’archive et du débris, personnifié par la figure de l’artiste en historien-chiffonnier[2], est généralement considéré comme participant de la critique des modes de production capitalistes et de l’histoire officielle, dans la veine du matérialisme historique de Walter Benjamin (Beauvais et Bouhours 2000, Bourriaud 2003, Foster 2004, Verwoert 2007, Russell 2018). Certaines études de corpus se sont essayées à établir une typologie précise et exhaustive (Kim 2018). D’autres s’inscrivant plus librement dans la tradition des modèles de l’atlas Warburgien et du musée imaginaire de Malraux, se sont appliquées à identifier et à analyser les gestes formels et les figures esthétiques d’un ensemble d’œuvres de remploi réalisées par des artistes cinéastes et vidéastes, en soulignant la dimension subversive du détournement artistique (Blümlinger 2013, Russell 2018, Mulvey 2019). Cependant, lorsqu’il implique l’immense ‘banque d’images’ cinématographiques numérisées, le remploi se caractérise par l’amplitude et l’hétérogénéité de son corpus et dépasse largement les frontières du domaine de l’art, mettant en relief des logiques plus ambigües de recyclage et de ‘partage’ de l’image. Les images de cinéma peuvent être directement recyclées à des fins de marchandisation (publicité, bandes annonces, menus de DVD …), tandis que la pratique de l’édition limitée qui s’applique aux vidéos d’artistes peut être interprétée comme une forme de confiscation de la culture populaire au profit d’une culture d’élite[3].

A défaut de pouvoir faire ici un panorama complet, on se concentrera, dans ce qui suit, sur la poursuite du foundfootage à des fins artistiques. Deux dimensions clefs de l’appropriation et de l’artification (l’incorporation au monde de l’art d’un matériau issu d’un medium ‘populaire’)[4] seront évoquées: la question de la copie d’une part, et celle, qui en découle, des droits d’auteur.

Déjà-vu

Quel que soit le degré de transformation auquel les images sont soumises, leur apparition première, originelle, échappe au geste de remploi: le foundfootage cinématographique reste d’abord une pratique de collecteur, de pirate et de copiste. En amont de la problématique de la diffusion, des droits et de la raréfaction des images à des fins marchandes s’impose donc celle, épineuse, de la création proprement dite, qu’il conviendrait de différencier de la simple appropriation transformative.

Dans leur histoire des cabinets de curiosité, Christine Davenne et Christine Fleurent s’interrogent sur la véritable signification du penchant pour la collection et l’appropriation. Si cette tendance s’impose comme l’expression d’un besoin d’ordre et « comme un acte initial nécessaire au renouvellement des formes critiques », elle est aussi interprétée comme un phénomène caractéristique des « périodes de disette artistique » (Davenne et Fleurent 2011 : 43). Ce constat résonne à notre époque où le remploi massif des images paraît surpasser leur production, où l’échantillonnage et l’entassement peuvent sembler se substituer au principe de continuité et de progression, où la collection et la curation remplacent souvent l’acte de création artistique ex nihilo.

Toute production basée sur la collection et l’assemblage d’œuvres ou de fragments d’œuvres préexistantes soulève la question de l’épuisement du geste créateur[5] . Il ne s’agit pas ici de revisiter ce qui, depuis Marcel Duchamp, s’est imposé comme un topos de l’histoire de l’art contemporain, mais plutôt, en regard du collectionnisme spécifique à l’ère du numérique, d’évaluer sa prégnance dans le contexte du remploi d’images de film. Forme dérivée, la vidéo de remploi numérique est doublement suspecte. La méfiance et la mésestime des formes nées du recyclage et du réagencement d’éléments pré-filmés s’appuie en effet sur une longue tradition de théorie et d’esthétique du film qui privilégie l’image, et donc l’acte de captation, sur le montage et la post-production (Kessler 2002; Dudley 2010). Cette tradition est d’autant plus prégnante que le cinéma, médium photographique, a dû, pour s’imposer comme art, s’émanciper de la logique baudelairienne qui tendait déjà à faire des médias photographiques moins qu’une interprétation, une sous-copie industrielle du réel, d’autant plus négligeable esthétiquement que le degré de fidélité de la captation et de la représentation du réel était abouti.

Or le numérique, plus que tous les autres modes de reproduction avant lui, a banalisé l’acte de copier : la légitimité que le foundfootage argentique pouvait tirer de la rareté, de l’unicité de ses sources (en s’imprégnant de leurs qualités ‘auratiques’) ou de la difficulté matérielle des processus transformatifs, ne semble plus s’appliquer lorsque les sources sont numérisées et les logiciels de montage largement répandus.

Les praticiens du remploi sont conscients de ces enjeux : la pratique du foundfootage n’est pas seulement réflexive, mais célèbre l’appropriation vidéo que le remontage élève au rang d’art. Ainsi la présentation des œuvres de foundfootage insiste t’elle souvent sur la complexité et la minutie de ses procédés techniques. Les processus de récupération et de postproduction peuvent par ailleurs être envisagés comme participant de la dépense improductive, à l’inverse des stratégies narratives et visuelles du cinéma commercial (Beugnet, 2017).

Aux yeux de ses premiers théoriciens, le détournement artistique, y compris sur la base d’un matériau numérisé, jouissait donc d’un potentiel subversif indéniable : en évoluant de la ‘création originale’ vers la post-production, l’art se réinventait à rebours des logiques propriétaires et capitalistiques dominantes (Beauvais et Bouhours 2000, Boon 2010, Bourriaud 2003, Balsom 2013, Misek 2015). De ce point de vue, le foundfootage numérique, en s’inscrivant dans la tendance archivistique de l’art contemporain (Foster 2004, Russell 2018), ouvre des espaces propices à l’émergence d’histoires alternatives (en contrepoint de l’Histoire et des discours officiels tels que les véhicule le cinéma dans ses formes conventionnelles)[6]. Les penseurs de l’appropriation ont ainsi envisagé la pratique du recyclage transformatif, que la numérisation et la communication électronique ont contribué à intensifier, comme un triomphe de la culture du partage où la frontière entre artistes et amateurs se floute.

Cet idéalisme s’est rapidement confronté, dans le domaine du remploi cinématographique, aux effets de l’application du droit de propriété et de l’entrée de la vidéo sur le marché de l’art contemporain. Dans le cas des œuvres de foundfootage réalisées par des artistes, la protection des droits d’auteurs concerne dans un premier temps l’auteur du matériau initial (dans les faits, les détenteurs de droits qui sont souvent, dans le cas du cinéma hollywoodien en particulier, les studios et maisons de production). Dans un second temps, elle s’applique à l’artiste auteur de l’œuvre de remploi qui peut la conforter par le biais de l’édition limitée. C’est alors la double question de l’appropriation de la culture populaire par la culture d’élite, et de l’infiltration de la seconde par la première qui fait surface.

Le collecteur, l’artiste et le marchand[7]

Sur leur site web, les Soda Jerk[8] décrivent leur vidéo-manifesto Hollywood Burn (vidéo numérique, 52 minutes, 2006) dans les termes suivants:

Hollywood Burn est une épopée anti-copyright entièrement construite à partir de centaines d'échantillons piratés des archives de Hollywood. Une ligue de vidéo-pirates justiciers s’oppose au tyran maléfique Moïse, et à ses commandements du droit d'auteur (…) À la croisée du cinéma de série Z et du manifesto remix, Hollywood Burn adopte les tactiques du parasite, se nourrissant du corps d’Hollywood en appropriant ses codes cinématographiques.[9]

Complété en 4 ans, avec la collaboration de l'artiste Sam Smith, Hollywood Burn s’appuie sur un volumineux corpus d’extraits recomposés en arc narratif par un remontage visuel et sonore et un usage systématique de l’incrustation (ou inpainting). Le héros, clone d’Elvis Presley et champion de la cause du piratage vidéo, « s’incruste » dans des univers filmiques variés, de The Ten commandements, à Jaws en passant par Batman : the Movie, Mullholland Drive et Picnic at Hanging Rock, traversant des dizaines d’autres décors (la liste des films utilisés pour créer Hollywood Burn comprends plus d’une centaine de titres). Il y rencontre une foule d’acteurs et de personnages iconiques (Charlton Heston en Moïse, Ursula Andress en infirmière activiste, Tom Cruise et Bruce Willis en pilotes d’hélicoptère, Bette Davis en voyageuse interplanétaire, Johnny Depp en pirate des Caraïbes…), se transforme pour un temps en abominable Hulk, franchissant allègrement les frontières entre film et jeu vidéo, et se réincarne finalement en prophète annonciateur d’une nouvelle ère débarrassée du carcan des droits. Le travail sur la bande son, et notamment sur le remontage des dialogues et le (re)doublage des acteurs, est d’une redoutable efficacité comique : dans un flagrant non-respect de la continuité et de l’adéquation genrée, les voix greffées sur des corps exogènes produisent des mutations vocales aussi imprévues qu’hilarantes. Pour la bande son comme pour les images, il ne s’agit pas d’harmoniser et de dissimuler l’apport du remontage et de la postproduction, au contraire. Le travail des Soda Jerk s’appuie sur une esthétique vintage et pop dont participe l’aspect bricolé des effets spéciaux : l’incrustation évoque, par le tremblotement de ses bordures, la rotoscopie à l’ancienne, les séquences sont ponctuées de collages en stop motion et autres trucages délibérément perceptibles, et les références à l’univers du comics et au film de série B abondent. Cette dimension rétro s’accorde bien à l’esprit utopique d’Hollywood Burn : par sa forme (dont l’aspect artisanal résulte d’un labeur aussi chronophage que minutieux) comme par son contenu, et son mode de diffusion (la vidéo est librement accessible, et le site des artistes stipule qu’Hollywood Burn peut être visionné, cloné, partagé ou projeté à volonté), il promeut une définition idéale du remploi, comme pratique transformative basée sur un accès illimité au patrimoine cinématographique numérisé.

Dans la même veine, certaines archives cinématographiques animées par une volonté de partage et de diffusion ont adopté une approche proactive vis à vis du remploi cinématographique: the Prelinger Archives et A/V Geeks par exemple, sont issues d’initiatives individuelles, où des collecteurs amateurs mettent leurs archives en ligne libres de droits. Le fondateur de A/V Geeks, Skip Elsheimer, décrit la collection comme un passe-temps devenu projet à long terme, sa collection rassemblant « plus de 25000 films, trouvés dans des vide-greniers, des magasins de seconde main, des placards et des bennes à ordure.»[10] Un certain nombre d’institutions publiques parmi lesquelles la BBC, le BFI et The Eye Museum cherchent à mettre en valeur un patrimoine resté confidentiel en ouvrant une partie de leurs collections de films numérisés aux internautes, amateurs et artistes et en encourageant l’utilisation des films pour des usages pédagogiques et artistiques. Beaucoup d’artistes alternent entre appropriation plus ou moins légale de séquences de films hollywoodiens et archives ouvertes. La vidéaste Vicki Bennett (alias People Like Us) par exemple, exploite tout l’éventail de fonds d’archives. Elle réalise des vidéos de foundfootage et des montages pour performances live à partir d’extraits de films classiques (The Sound of the End of Music, 3.38 min, sonore, couleur, 2011), mais de manière plus atypique, elle utilise également des films expérimentaux : Resemblages (4.24 min, sonore, couleur, 2004) recycle des images de films de la collection Lux. Ses œuvres s’appuient aussi sur les fonds d’images mis à disposition par la BBC, les collections Prelinger, A/V Geeks et The Internet Archive. Pour Story Without End (6.03 min, sonore, couleur, 2005) Bennett a sélectionné des films des années 1950, courts métrages publicitaires et films scientifiques à visée pédagogique au discours technophile daté, à partir desquels elle reconstitue une petite histoire des techniques de communication moderne, entre utopie et dystopie.

Si, en dépit de ces initiatives, le modèle du libre accès reste l’exception, c’est qu’il se heurte au double obstacle des droits des films hollywoodiens et de l’édition limitée. Malgré l’introduction des Creative Commons, ces licences qui assouplissent les règles de la propriété intellectuelle s’appliquant notamment aux œuvres anciennes, et l’instauration de la règle du Fair Use, qui autorise, entre autres, certaines utilisations créatives et pédagogiques, le statut du foundfootage cinématographique reste problématique, comme en témoigne le nombre de vidéos retirées des plateformes en libre accès.

L’attribution des droits peut représenter une première difficulté : Brian L. Frye note que s’il est généralement facile d’identifier le détenteur des droits dans le cas d’un long métrage commercialisé, la tâche peut s’avérer ardue pour des films obscurs ou anonymes. La seconde difficulté réside dans l’appréciation variable de ce qui représente un usage de type fair use, en particulier dans le cas du remploi artistique. Les cours de justice se montrent certes de plus en plus favorablement disposées vis à vis des artistes célèbres ou établis, souligne Frye, mais elles apparaissent moins disposées à pardonner aux néophytes et aux inconnus (Frye 2016, 41).

Dans le même esprit, Richard Misek compare les difficultés de diffusion initialement rencontrées par le film de montage de Thom Andersen, Los Angeles Plays Itself (noir et blanc et couleur, 16 mn, 2003) , à la manière dont l’œuvre vidéo de Christian Marclay The Clock (The Clock, vidéo, noir et blanc et couleur, sonore, 24 heures, 2010) est entrée en parfaite adéquation avec les paramètres de production et de diffusion du marché de l’art contemporain.

Composé de centaines d’extraits de fictions et documentaires tournés pour le cinéma et la télévision entre 1913 et 2001, destiné à être projeté et regardé dans son entièreté, Los Angeles Plays Itself retrace l’histoire de la ville californienne en dénonçant un double mécanisme de dépossession : l’expropriation graduelle des espaces publics au profit d’intérêts privés, et la marginalisation de certaines populations, exclues de certains quartiers, tout comme elles sont absentes des films commerciaux tournés dans la cité hollywoodienne (contrairement à Hollywood Burn, L.A.PLays Itself ne puise pas uniquement dans la production mainstream). Misek souligne la remarquable cohérence entre le message et la forme du film, « qui constitue, en elle-même, un engagement avec la politique de la propriété » (Misek, 2015 : 135). Projeté au festival du film de Toronto en 2003 sans qu’Andersen ait cherché à obtenir au préalable les droits des extraits compris dans le film, Los Angeles Plays Itself n’a été distribué sous forme de DVD qu’en 2014 (et Misek souligne que toutes les versions téléchargées sur internet puis supprimées, l’ont été à la demande de détenteurs de droits de certains films utilisés par Andersen et non à la requête de ce dernier).

Consacré par la critique et plébiscité par le public, The Clock s’impose a priori comme le meilleur des contre-exemples (Beugnet, 2013) : The Clock, constate Misek, « n’est pas seulement une appropriation culturelle, mais une appropriation économique » (Misek 2015 : 143).

Réalisée avec l’aide d’une équipe de six assistants (qui ont aidé Marclay à trouver les fragments en visionnant des centaines d’heures de film), l’œuvre est fondée sur un concept très simple: des milliers d'extraits de films,[11] qui évoquent tous le temps, sont montés bout à bout. En noir et blanc et en couleurs, les images de montres, d’alarmes, de clochers, abondent, ainsi que de gares, trains et voyageurs, et de rituels liés à des moments précis de la journée comme le lever et le coucher. Les extraits pour la plupart très brefs (moins d’une minute) constituent une vidéo de vingt-quatre heures, qui doit être parfaitement synchronisée avec le temps réel du lieu où elle est présentée. Il s’agit donc bel et bien d’une horloge.

Plus l’heure devient tardive, (pour montrer The Clock, un musée doit théoriquement rendre l’accès à la salle d’exposition possible pendant 24h sans discontinuer) plus l’œuvre devient étrange : avec l’obscurité le film d’horreur fait son apparition, ainsi que la pornographie, et en pleine nuit l’inaction et le sommeil deviennent la règle. Les séquences sont mises bout à bout pour former un ensemble spatio-temporel à travers lequel objets et personnages semblent circuler, apparaître et réapparaître, certains acteurs vieillissant et retrouvant leur jeunesse en l’espace de quelques minutes ou de quelques heures. La grande expertise de Marclay dans le domaine du remix, musical puis audiovisuel, est ici, comme dans le reste de sa production vidéo, en évidence. Souvent décrit comme virtuose (Romney 2010, Krauss 2011), le montage se fonde sur des effets de rythme et de rime visuels : les gestes, les mouvements de caméra et les compositions se font écho ; le son chevauche les coupes, reliant des espaces diégétiques hétérogènes, tout comme les raccords de regard et de mouvement dans l’axe, créant une continuité illusoire qui joue pleinement sur l’effet Koulechov : on voit une horloge, puis un personnage la regarder depuis un univers filmique entièrement différent ; des gens courent sur une plate-forme de train et tentent d’attraper un train qui démarre dans une gare figurant dans un autre monde fictionnel, et ainsi de suite.

C’est donc à la fois l’astucieux principe qui lui sert de prémisse, l’ampleur de l’entreprise, et la minutie qui ont présidé à sa réalisation qui fondent le succès de The Clock. L’œuvre intrigue, séduit et dérange par la façon dont elle soulève, par sa forme même, les questions de commercialisation et d’ex-propriation culturelle qui taraudent la pensée critique du monde de l’art contemporain.

Dans son étude comparative du cinéma expérimental et des films d’artistes, Jonathan Walley pointe une différence fondamentale : comme le reste de la production cinématographique, un film expérimental, film de foundfootage compris, est destiné à la circulation la plus large possible. Plus il en existe de copies, plus il circule sur les écrans des cinémas (notamment ceux des musées ou qui sont associés à des festivals dédiés, et jouent un rôle crucial dans la diffusion des film expérimentaux) et plus il a de chance de rencontrer un public nombreux. Dans certains cas, ces projections seront prolongées par l’édition d’un DVD commercialisé par des maisons d’éditions spécialisées dans ce type de cinéma, comme RE:Voir. L’économie du film d’artiste, qui inclut la vidéo de remploi, se fonde au contraire sur la rareté[12]: suivant le modèle établi par la lithographie et la photographie d’art, le principe de l’édition limitée permet de court-circuiter le principe de reproductibilité propre au support. Ayant acquis une valeur marchande ‘par défaut’, les quelques exemplaires de l’œuvre peuvent être vendues aux collections publiques et privées. Dans le cas de The Clock, cinq copies de l’œuvre ont été cédées à des institutions muséales de grande envergure à un demi-million de dollars pièce et ne sont visibles du public qu’à l’occasion d’expositions organisées par ces institutions. Parmi les acquéreurs, la Tate Gallery avait dûment évalué les risques légaux avant de conclure l'achat, et estimé que la dimension transformative, la brièveté des extraits, et la renommée de l’artiste permettraient de passer outre au paiement de droits d’auteur (Herman 2018).

Rares sont les artistes vidéastes qui parviennent à vivre de leur travail, et plus rares encore ceux qui parviennent à s’enrichir, notamment par la pratique du foundfootage. Beaucoup s’appuient sur un système de diffusion hybride, en galerie et en salle, notamment à l’occasion de festivals[13]. Mais le succès de The Clock, même s’il est exceptionnel, met en relief la double problématique que soulève le remploi lorsqu’il touche au foundfootage cinématographique. D’une part, et comme en atteste le générique même du plus modeste des films de cinéma, les images sont le produit d’un travail collectif, intensif. Or, dans le processus de remploi tel que l’exemplifie l’œuvre de Marclay, non seulement la fragmentation et le remontage recouvrent le processus de production initial, mais l’assemblage final devient attribuable à un auteur unique. Se pose par ailleurs la question de la sélectivité des sources. La bande annonce de The Clock[14] souligne en introduction, sans en préciser la teneur, le caractère original du procédé adopté par Marclay. Elle décrit aussi l’œuvre comme un parcours à travers « 70 ans d’histoire du cinéma ». Or la vidéo de Marclay offre une vision très partielle de l’histoire du cinéma : si les films qui figurent dans The Clock représentent un éventail assez large de genres et d’approches, c’est pourtant le cinéma occidental, et principalement hollywoodien, qui domine.


Captures d’écran, début de la bande annonce de The Clock,

https://publicdelivery.org/christian-marclay-the-clock/

Transformer, comme c’est le cas avec The Clock, des images originellement destinées à un public de masse pour produire une œuvre diffusée de manière restrictive (même si The Clock n’a rien d’obscur ou de complexe, cette œuvre grand public n’est accessible que dans des lieux d’art) n’a rien d’exceptionnel : outre la pratique du remploi et du collage, l’art surréaliste notamment, partage avec le foundfootage cinématographique une prédilection pour le remploi de matériaux ‘non-nobles’ à fins d’expression et de diffusion artistique. La dominance des productions commerciales comme corpus-source de la vidéo de remploi n’est pourtant pas sans soulever de questions. D’une part, on l’a dit, en reléguant les autres formes cinématographiques à la marge, c’est une histoire du cinéma très elliptique qui se dessine par le biais du recyclage de l’archive cinématographique numérisée. Par extension, c’est un certain type d’image, et d’agencement d’images qui s’impose et par là, in fine, une esthétique et une économie du visuel en partie déterminées par des impératifs industriels et commerciaux.

Faut-il par conséquent envisager la vidéo de remploi comme la continuation d'une longue tradition de foundfootage expérimental critique du cinéma de masse, ou plutôt comme le cheval de Troie hollywoodien, qui permet à un culture normative et consumériste de l’image d’infiltrer le monde de l'art ? « Tandis que l’hégémonie de pratiques autrefois marginales telles que l’art vidéo s’est affirmée sous la forme de projections dans les galeries d’art » constate ainsi l’historien du cinéma Al Rees, beaucoup d’artistes et de cinéastes se sont engagés « dans une perspective bien plus commerciale qu’ils ne l’avaient suspecté. Au bout du compte, leurs idées se sont trouvées cooptées par ces mêmes industries à l’idéologie desquelles ils avaient personnellement résisté » (Rees 2011, 20).[15] Galeries et musées d’art contemporains, ajoute Rees, sont devenues les caisses de résonance des formes conventionnelles du cinéma hollywoodien, que les œuvres de remploi rejouent et réinterprètent, dupliquant et fétichisant ses dispositifs et formes discursives. La cooptation commerciale de certaines pratiques artistique renforce cette impression : en 2007, Apple a ainsi recyclé la vidéo de Christian Marclay, Telephones (vidéo, noir et blanc et couleur, sonore, 7.30 mn), une compilation d’extraits de films montrant, sous la forme d’une répétition-variation, une multiplicité de personnages décrocher le téléphone, répondre, et raccrocher. La publicité Apple, qui reprend exactement le même principe en mettant bout à bout des extraits de films connus du grand public, a été montrée pour la première fois à l’occasion d’une cérémonie des Academy Awards dont elle était l’un des sponsors. Du cinéma à la galerie, pour revenir au cinéma via la récupération de ses images par le message publicitaire, la vidéo de foundfootage d’Apple opérait ainsi une parfaite boucle de recyclage (Elsaesser, 2017).

La troublante interpénétration de l’art contemporain et du cinéma commercial pointée par Rees est compliquée par la problématique des modes ‘d’artification’ – le glissement des images du cinéma populaire vers les pratiques et le marché de l’art contemporain – et la question des modes de réception.

Esthétique de l’échantillonnage

Les modes de diffusion de la vidéo artistique de remploi s’apparentent dans certains cas à ceux du cinéma expérimental : ainsi le foundfootage continue-t-il de trouver sa place dans la programmation des festivals dédiés, notamment sous la forme de projections de « live », alliant création sonore et montage visuel. Mais tandis que la mort annoncée du cinéma sous sa forme argentique lui conférait une forme d’aura jusque-là réservée aux arts traditionnels (Rodowick 2007), la numérisation de l’archive cinématographique, et l’allégement du dispositif technique rendu possible par le passage de la projection filmique à la vidéo ont facilité l’entrée de l’image de film dans l’espace d’exposition. C’est dans ce contexte que le foundfootage cinématographique a acquis une visibilité nouvelle, contribuant ainsi à ce qu’on désigne parfois, en référence à Raymond Bellour, comme « la querelle des dispositifs » (Bellour 2012). Les tenants et les aboutissants du débat concernant la réception des images en mouvement hors de la salle de cinéma sont bien connus. D’un côté, les partisans d’une « libération » de l’image et de son public, qui voient dans le ‘cinéma exposé’ dans les galeries et les musées la possibilité d’un rapport affranchi du public avec les images. Là où le cinéma impose ses rituels, une position fixe et statique (le siège de cinéma) et une temporalité invariable (on regarde typiquement un film de bout en bout), l’espace d’exposition, comme l’écran de l’ordinateur, donne au spectateur un libre arbitre, la possibilité de déterminer la manière (distraite ou absorbée) et le temps consacré à l’œuvre (Fowler 2004, 2013). De l’autre, le constat désillusionné de pratiques spectatorielles s’alignant sur une économie de l’attention propre aux sociétés de consommation. Ainsi l’artiste et cinéaste Mike Hoolboom décrit-il en termes caractéristiquement désenchantés son expérience des galeries d’art contemporain où abondent les installations filmiques et vidéo :

Confronté à des œuvres dont l’essence est le temps, le public se montrait avare du sien … Faut-il blâmer le vidéo-clip musical de la réduction de notre capacité d’attention ? … Dans l’espace d’exposition, les gens vont et viennent, testent ce qui est au menu, regardent une partie de telle œuvre, ignorent complétement les autres, examinent encore et encore certains passages. Mais la grande majorité se contentant de ‘surfer’. Au cinéma, on ne surfe pas. La galerie est un lieu de lèche vitrine perpétuel (est-ce que ça me plait ? Est-ce que ça me correspond ?).[16]

The Clock représente ici, comme pour la question de l’édition limitée abordée plus haut, un exemple éloquent. La vidéo fonctionnant comme une horloge, en alignant temps diégétique et temps effectif, le public reste conscient de l’heure et de la durée passée devant l’écran. L’accumulation de très brefs extraits produit cependant un effet de suspense, voire de trance : « l’intrigue s’articule aux extraits de film utilisés, dans lesquels les personnages anticipent une catastrophe qui peut se déclencher à tout moment : une bombe qui va exploser, un missile qui atteint sa cible » note Rosalind Krauss, qui compare le caractère addictif du montage de The Clock au pouvoir d’interpellation althussérien. Lié au déroulement des images par l’illusion d’un présent partagé (s’il est 16.30 à l’écran, il est 16.30 à la montre des membres de l’auditoire) le spectateur s’investit dans chaque extrait comme si la situation s’adressait spécifiquement à lui (Krauss 2011: 116). Si Krauss loue la maitrise du montage déployée par Marclay, en mentionnant Althusser, elle convoque implicitement une interprétation plus critique: l’esthétique du fragment mise en œuvre par Marclay n’est-elle pas à la fois évocatrice de l’expérience de la publicité télévisée, et en parfaite adéquation avec la pratique muséale du lèche-vitrine observée par Mike Hoolboom? La question se pose avec d’autant plus de pertinence que, dans l’application de la technique du sampling, de l’échantillonnage mis au service d’une thématique unique, l’importance des extraits est toute relative voire nulle : peu importe la source, le genre, le style, pourvu que les images montrent la ‘bonne’ heure. De ce point de vue, The Clock semble élever au rang de pratique artistique le principe de l’image réduite à sa fonction de communication et sa valeur d’échange. Or, dans sa forme même, The Clock véhicule aussi le modèle de temps issu de la modernité industrielle, précisément mesuré et normé, qui s’est imposé globalement : partout où l’œuvre est montrée, son exposition est conditionnée à son exact alignement sur le temps local. Prolongeant cette logique au-delà des murs du musée, le succès de The Clock a parfois eu un impact sur les stratégies de marketing et d’accueil du public, typiques des expositions-évènements, visant à maximiser son retentissement : ainsi, dans les villes où les foules se sont pressées pour voir l’installation, la gestion des files d’attente est passée par l’établissement de créneaux horaires pour les visites (à réserver en ligne), et des restrictions du temps imparti à chaque spectateur (Balsom 2013a).

Film-objets

Dans « L’Autre Histoire du cinéma, ou la perte du spectacle: qui gagne, qui perd? », Eric de Kuyper note que si le monde de l’art contemporain pioche avidement dans le stock visuel qu’offre l’archive cinématographique désormais numérisée, il est moins enclin à rendre compte du passé du cinéma comme spectacle (sauf à souligner la liberté nouvelle d’un spectateur qui serait passé de la salle de cinéma au musée). Non seulement ce patrimoine-là, celui de la projection publique, en salle, ne s’accommode guère des logiques commerciales individualisantes, basées sur la rareté, mais il est d’autant plus malaisé à évoquer qu’il est intangible, et la transformation des musées du cinéma en musées de la technique, sortes de Wunderkammer où s’entassent les appareils obsolètes ne satisfait guère, se contentant d’offrir une « vue matérialiste, objectale » de l’histoire du cinéma (de Kuyper 2020 : 144).

Dans la cohabitation entre médias analogues et électroniques, la conversion du film en « signal », et la relégation du support argentique, s’étaient accompagnées d’une résurgence de l’objet matériel sous d’autres formes : la cassette vidéo, dont le contenu devenait visible grâce au lecteur vidéo et à la télévision (à la fois écran et meuble). De même, dans les musées et galeries, l’intégration du film et de la vidéo aux expositions s’est accompagnée d’une mise en scène des appareils de projection incorporés aux installations. Le passage au numérique opère une dématérialisation plus radicale, où le support objet (le DVD) tend à se démoder, tandis que les écrans deviennent interchangeables. Le cinéma, initialement incompatible avec l’économie de l’art dans la mesure où le support filmique est reproductible, visible seulement sous la forme d’une projection, et destiné à un public collectif, est ainsi coopté par le monde de l’art et des musées alors même qu’il est en passe de perdre la dimension physique – relative puisqu’indissociable du projecteur – que lui garantissait la pellicule (Rodovick 2007). Dans ce contexte, les expositions documentaires ou thématiques qui mêlent écrans et objets (reconstitution de l’atelier de l’artiste cinéaste, objets reproduisant des éléments de décor des films…), offrent au visiteur la dimension matérielle et objectale qui a toujours « manqué » au support filmique. Elle contribuent aussi à faire glisser les films du cinéma vers des espaces d’exposition où le regard est conçu comme essentiellement individuel.

Ici encore, l’œuvre de Marclay est exemplaire. Tout en cooptant le principe de la salle de cinéma (la présentation de The Clock requiert une grande salle et des sièges confortables - des rangées de petits canapé, constituant un espace spectatoriel à la croisée du cinéma et du salon-télévision), et en se présentant comme un voyage à travers soixante-dix ans d’histoire du cinéma, l’œuvre de Marclay prolonge la logique de la « vue objectale » de l’histoire du cinéma autrement. Il ne s’agit plus d’exploiter les qualités sculpturales d’un appareillage obsolète comme cela s’est beaucoup fait dans l’art d’installation, mais de donner aux images elles-mêmes une valeur d’objet : The Clock est œuvre vidéo et horloge. Ce faisant, le travail de Marclay s’intègre à un paysage technologique plus large, où les images circulent sur des appareils aux fonctions diverses: l’artiste avait envisagé, initialement, que sa compilation pourrait servir de fond d’écran avec horloge intégrée.

Point d’orgue de l’engouement des institutions muséales pour les œuvres de foundfootage cinématogaphiques, par sa thématique et son dispositif The Clock se prête sans doute trop commodément (elle tend à éclipser le reste de l’œuvre de Marclay, à la fois musicale et vidéo) à l’illustration des problématiques que soulève la pratique du remploi des images de film. C’est qu’elle pointe de manière exemplaire une dimension paradoxale de l’usage du patrimoine cinématographique numérisé : la dématérialisation et le reformatage rendues possibles par le numérique permettent à certaines œuvres et expositions de pousser la logique jusqu’au bout en intégrant l’image en mouvement à des dispositifs plastiques. Parmi les stratégies transformatives de l’art d’installation qu’elle met en œuvre, s’inscrit ainsi dans une tendance plus générale d’un glissement de l’image en mouvement vers l’objet qui complexifie la question du statut et de la réception de l’image de film ‘exposée’.

Conclusion

Entre appropriation et artification, le foudfootage s’incrit dans une tendance plus générale d’exploitation du patrimoine cinématographique. Dans la perspective proposée initialement par Walter Benjamin, le cinéma, art du montage, avait permis à l’homme moderne d’apprivoiser les rythmes industriels et de reconstituer une continuité et un sens là où la perception était devenue irrémédiablement fragmentée. Le cinéma représentait aussi le premier des arts mis au service d’une culture de masse populaire (Benjamin, 1935). C’est cette double tradition, déjà mise en cause par la banalisation de la télévision et de la vidéo, qui se trouve aujourd’hui battue en brèche par les nouveaux usages issus du numérique. Les modes de stockage visionnage introduits par les technologies électroniques et informatiques ont permis des pratiques inédites de l’image : possessive, fétichiste, analytique, contemplative (Bellour 1990, Mulvey 2006). Le patrimoine cinématographique s’y trouve à la fois redécouvert et dévoyé, mis en valeur et usurpé. Partant, la richesse et la diversité du paysage audiovisuel dépend de notre capacité, fortement entamée par la crise pandémique et le retrait sur l’espace domestique, à faire cohabiter les pratiques et usages nouveaux et anciens.

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Films, vidéos, et installations vidéos cités dans le texte

Andersen, Thom. Los Angles Plays Itself. Film numérique, noir et blanc et couleur, 169 mn, 2003.

Bennett, Vicki (alias People Like Us). The Sound of the End of Music. Vidéo, 3.38 mn, son, couleur, 2011.

_____ Resemblages. Vidéo, 4.24 mn, son, couleur, 2004.

_____ Story Without End. Vidéo, 6.03 mn, son, couleur, 2005.

Marclay, Christian. The Clock . Installation vidéo mono-canal, noir et blanc et couleur, 1 440 min, boucle, 2010.

Soda Jerk. Hollywood Burn (2006). Vidéo, couleur, son, 52 mn.


  1. Cet article est extrait du texte de ouvrage Le cinéma et ses doubles, publié aux presses du Bord de l’eau.
  2. Berdet Marc, « Chiffonnier contre flâneur. Construction et position de la Passagenarbeit de Walter Benjamin », Archives de Philosophie, 2012/3 (Tome 75), pp. 425-447. Beatrice Hanssen, sous la dir. de., Benjamin and the Arcades project, London: Continuum, 2006, en particulier Irving Wohlfarth « Et Cetera? The Historian as Chiffonier », pp.12-33, et Susan Buck-Morss « The Flâneur, the Sandwichman and the Whore: The Politics of Loitering », pp.33-66.
  3. Ce qui suppose d’interroger les distinctions entre culture populaire et industrie culturelle initialement proposées par les penseurs de l’école de Francfort et synthétisées par Theodor Adorno dans “The Culture Industry Reconsidered”. Si la distinction reste pertinente, on constate, notamment dans les pratiques du founfootage, que la culture populaire s’est appropriée et s’est employée à transformer certaines des productions de l’industrie culturelle. Theordor Adorno, “The Culture Industry Reconsidered”, New German Critique, 6: 1975, pp. 12-19, reproduced in The Media Studies Reader, eds P.Marris and S.Thornham, Edinburgh: E.U.P, 1999, pp. 31-38.
  4. Le terme « artification » a été proposé par Roberta Shapiro pour décrire le processus par lequel des objets, personnes ou pratiques sont reconnues comme participant de l’art et de la création artistique. De l'artification : enquêtes sur le passage à l'art, sous la dir. de Nathalie Heinich, Roberta Shapiro, Paris : EHESS, 2012.
  5. L’utilisation d’un ‘matériau’ considéré comme ‘non-noble’ (des images documentaires amateures ou commerciales par exemple) est « acceptable » dans la mesure où la transformation est comprise comme participant d’une mise en valeur intellectuelle et formelle, donc d’un saut qualitatif par rapport aux images initiales. Voir Beauvais et Bouhours (2000), op. cit.
  6. Voir la thèse, en cours, de Marie-Pierre Burquier à l’Université de Paris.
  7. Le titre fait écho à la remarque de Christine Davenne et Christine Fleurent, selon laquelle « Citer le cabinet ne procède donc pas seulement d’une critique esthétique, c’est l’écho actualisé d’une connivence entre les amateurs et les marchands », Cabinets de curiosités. La Passion de la collection, Paris : Éditions de la Martinière, 2011, p.43.
  8. Collectif des artistes australiennes Dan et Dominique Angeloro.
  9. http://www.sodajerk.com.au/video_work.php?v=20120921063810 [consulté le 15/01/2020].
  10. « over 25,000 films gathered from school auctions, thrift stores, closets and dumpsters. »
  11. Des films de cinéma principalement, avec quelques ajouts tirés de fictions tournées pour la télévision.
  12. Certains artistes présentent cependant des extraits sur leurs sites web, comme c’est le cas de Martin Arnold, David Claerbout, de Christoph Girardet et Mathias Müller et des soda Jerk.
  13. Lors d’une récente projection-débat, l’artiste Martin Arnold soulignait que l’exposition en galerie, si elle ne permettait pas d’atteindre un grand nombre de spectateurs, donnait à l’artiste un plus grand degré de contrôle, alors que les projections, organisées sous forme de programmes à œuvres multiples, mettaient parfois bout à bout des œuvres incompatibles.
  14. La bande annonce est une forme de founfootage en soi : elle constitue un remploi d’images de remploi à des fins de publicité. https://publicdelivery.org/christian-marclay-the-clock/ [consulté le 15/01/2020]
  15. Al Rees, ‘Expanded cinema and narrative: a troubled history’, in AL. Rees, Duncan White, Steven Ball and David Curtis (eds), Expanded Cinema: Art, Performance, Film (London: Tate, 2011), p. 20.
  16. Mike Hoolboom, Projecting Questions. Mike Hoolboom’s ‘Invisible Man’ Between the Art Gallery and the Movie Theater, York : Art Gallery of York University, 2004, p.45. Traduction de l’auteure.