I-B-3

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B- Numériser, c’est prévoir des usages[modifier | modifier le wikicode]

Les illusions de la numérisation (exhaustivité et pérennisation)[modifier | modifier le wikicode]

Joëlle Le Marec/jlemarec@neuf.fr

La numérisation exhaustive d’une collection est généralement impossible. Il est donc nécessaire de trouver des critères pour sélectionner un nombre raisonnable de documents : soit la totalité d’un ensemble réduit et bien défini, soit des documents choisis dans les collections disponibles pour être représentatifs. Il arrive que le nombre important des documents numérisés donne à l’usager l’illusion de l’exhaustivité. Il importe par conséquent de bien documenter la sélection opérée et il faut, par ailleurs, se méfier des biais statistiques introduits par la sélection des documents. Un programme de numérisation peut être conçu de manière progressive. Il faut, dans ce cas définir des priorités, des phases de numérisation et de mise en ligne. Par exemple, il est possible que l’on doive commencer par les documents les plus médiatiques pour attirer l’attention et légitimer le budget. Représentativité de ce qui a été numérisé par rapport à l’ensemble de la collection. Il s’agit ici d’établir si le corpus numérisé est représentatif de l’ensemble de la collection. Des règles statistiques permettent de juger de la taille nécessaire pour qu’un échantillon soit significatif. Les utilisateurs risquent de tomber dans une erreur commune, qui consiste à délimiter son corpus en fonction de ce qui est accessible au format numérique. Chez Gallica, par exemple, la numérisation à la demande, les critères de choix, la composition du comité scientifique, les échantillonnages aléatoires peuvent modeler profondément la nature et la configuration des collections proposées aux usagers, lesquels peuvent en retour croire à la représentativité par nature de la sélection qui leur est proposée. Illusion de la pérennité (données, supports, lecteurs numériques et modalités de lectures) À l’opposé, les supports numériques et leur relecture suscitent le doute sur leur pérennité. D’une part, les supports d’objets numériques sont fragiles (souvent beaucoup plus que les objets initiaux) et d’autre part, les programmes et les dispositifs qui permettent de les lire sont en perpétuelle évolution et n’assurent pas toujours une compatibilité ascendante. Mais cet objectif de pérennisation des données numériques reste crucial et central pour tous les acteurs de la numérisation du patrimoines: le stockage 5D ( eternal 5D data storage ) permettant de conserver des données à très long terme (plusieurs milliards d’années) étudié notamment à l’Université de SouthHampton13. Plus récemment, le projet de recherche Silica de Microsoft a permis en 2019 de stocker l’intégralité des 75,6 Gb du film Superman (1978) sur un petit carré de verre au moyen d’un laser gravant des voxels microscopiques. L’objectif consiste à trouver une solution de “stockage froid” c’est-à-dire le stockage de données auxquelles il n’est pas utile d’accéder régulièrement. Si la commercialisation à grande échelle ne semble pas évoquée pour l’instant, les questions fondamentales des modalités de lecture de ce type de support dans plusieurs siècles demeurent.

Pistes de réflexion :[modifier | modifier le wikicode]

● Les représentations des usagers, des usages à moyen et long termes à l’égard des patrimoines numérisés sont-elles adéquates ? Comment les connaissons-nous ?

● Les décideurs et les opérateurs en matière de numérisation du patrimoine sont-ils suffisamment formés et informés quant à ce que l’on peut en attendre ?


Suggestions bibliographiques :[modifier | modifier le wikicode]

● CONWAY, Paul. “Preservation in the age of Google: Digitization, digital preservation, and dilemmas”. The Library Quarterly , 2010, vol. 80, no 1, p. 61-79.

● GANASCIA, Jean-Gabriel, FENOGLIO, Irène, et LEBRAVE, Jean-Louis. “Manuscrits, genèse et documents numérisés”. Document numérique , 2004, vol. 8, no 4, p. 91-110. (URL :https://www.cairn.info/revue-document-numerique-2004-4-page-91.htm >

● LACOMBE, Christian. “La numérisation, un outil bien pratique, mais seulement un outil”. Archives , 2011, vol. 43, no 2, p. 17-26.

● SEIGNOBOS, CAMILLE RONDOT—ÉMELINE. “Les archives et la numérisation”. In : Systèmes d’organisation des connaissances et humanités numériques: Actes du 10ème colloque ISKO France 2015 . ISTE Group, 2017. p. 204.


13 https://www.southampton.ac.uk/news/2016/02/5d-data-storage-update.page