I-A-3

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A- Qui numérise et pourquoi ?


Politique(s) numérique(s) institutionnelle(s)

Dieter Schlenker/Dieter.Schlenker(a)eui.eu


Les stratégies de numérisation des archives historiques de l’Union européenne[modifier | modifier le wikicode]

Synthèse[modifier | modifier le wikicode]

Dans le cas des institutions, toute politique de numérisation est l’équivalent d’une politique d’acquisition ou de récolement : la numérisation va accroître le fonds, puisqu’elle suppose une sélection et un budget. Nous pouvons supposer que, dans le cadre d’institutions, ces politiques sont formalisées, encadrées sur les plans budgétaires, juridiques, scientifiques et techniques. Elles comportent par conséquent un pari sur les usages anticipés et une évaluation des retours sur investissement.

Le dilemme traditionnel entre conservation et communication, lié à la fragilité des objets patrimoniaux physiques, est-il en passe d’être réglé par la numérisation ? C’est en tout cas une des motivations pour la numérisation généralisée des patrimoines. Mais faut-il envisager la conservation comme un usage en soi ? Ou seulement comme un préalable à tout usage ultérieur ? Cette pratique, indissolublement liée à la notion même de patrimoine, qui suppose la transmission dans le temps, doit être interrogée, au moment où le stockage numérique fait surgir les périls de l’hypermnésie, de la surcharge cognitive et de ‘l’embolie informationnelle’.

Toute numérisation suppose que le personnel des institutions soit sensibilisé et formé à la fois aux contraintes de la numérisation et aux conséquences sur les usages. On se situe dans un cadre de conduite du changement, tel qu’il s’est manifesté dans la quasi-totalité des organisations depuis l’arrivée de l’informatique. L’arrivée d’objets numériques et numérisés dans les collections change en profondeur les processus de travail et, par conséquent, les organigrammes, les métiers, les profils professionnels. Plus globalement encore, les mutations concernent tout ce qui fonde le pouvoir des institutions patrimoniales : conservation, détention, rétention, documentation, valorisation et mise en scène. Celles-ci doivent se réinventer une utilité sociale qui conditionne leur avenir et leur place dans les politiques publiques.

L’article suit les pistes de réflexion suivantes. L’auteur cherche la place et formule des anticipations d’usages dans les politiques de numérisation des institutions de l’Union européenne. Ceci porte vers la nécessité d’une redéfinition des missions des institutions patrimoniales par la prise en compte des usages et la question de la valeur attribuée au patrimoine, donc les valeurs de non-usage, comme la conservation, et les valeurs d’usage directs ou indirects. Ceci met en valeur le patrimoine culturel comme bien commun dans un nouvel écosystème patrimonial entre privé et public (Cominelli, XXXX, p.75).


Introduction[modifier | modifier le wikicode]

En 1983, les institutions de l’Union européenne prenaient la décision d’ouvrir leurs archives historiques au public. Un an plus tard, la Commission européenne signait un accord avec l’Institut universitaire européen (IUE) avec le but d’y établir les Archives historiques de l’Union européenne (AHUE) Dès l’ouverture de ses portes en 1986, cette nouvelle unité de l’institut a commencé à recevoir les premiers versements annuels des documents datant plus de trente ans, qui furent sélectionnés, traités et décrits en vue de leur ouverture à la communauté de recherche et au public. Le rôle principal de la sélection et du traitement des archives restait avec les nouveaux services d’archives installés au sein de chaque institution. Avec le principe du dépôt, la propriété des archives était conservée par l’organisme de provenance.


Dirigé par le règlement du Conseil 354/83, les Archives de Florence se sont développées dans le but de devenir un centre spécialisé et centralisé d’archives documentant principalement l’histoire de l’Union européenne et de ses institutions, mais aussi plus généralement celle de l’intégration européenne. Leurs missions ne sont donc pas seulement de collecter, conserver et rendre accessibles les archives historiques des institutions, organes et agences de l’UE, mais aussi celles des acteurs individuels et des organisations non-institutionnelles qui ont contribué au projet de l’Europe unie. Cette nouvelle gestion des archives sert à la fois à accroître la transparence de l’UE et de ses institutions ainsi qu’à la promotion de la recherche sur l’intégration européenne par ses sources primaires uniques.


Le contrat de 1984 entre l’IUE et la Commission européenne en tant que représentante des institutions de l’UE fut remplacé en 2011 par un accord-cadre de partenariat qui renforce le rôle des AHUE dans la préservation et l'accès aux archives institutionnelles. Cet accord mettait pour la première fois l’accent sur l’accès digital aux archives. Ensuite, en mars 2015, le Conseil de l’Union européenne modifiait le règlement de 1983. Le Règlement du Conseil (EU) 2015/496 du 17 mars 2015 réévaluait en effet le cadre légal et financier des Archives historiques de l’Union européennes et redéfinissait sa mission pour mieux répondre à la nouvelle société de l’information :

« (7) L'objectif du dépôt des archives historiques des institutions à l'IUE est d'en permettre l'accès à partir d'un lieu unique, de favoriser leur consultation et d'encourager les travaux de recherche sur l'histoire de l'intégration européenne et des institutions européennes... (11) Les institutions et l'IUE devraient, dans la mesure du possible, mettre les archives historiques à la disposition du public sous une forme numérisée et numérique, afin de faciliter leur consultation sur l'Internet. » (Règlement UE 2015/496, préface)

Le Règlement favorise l’accès numérique et oblige l’ensemble des institutions, organes et agences de l’Union à déposer leurs documents historiques aux AHUE accompagnés des copies digitales de consultation. Seules la Banque Centrale européenne et la Cour de Justice de l’UE continuent à pouvoir déposer leurs archives à Florence accompagnées des copies de consultation digitales seulement sur la base du volontariat.

Pourquoi numériser ?[modifier | modifier le wikicode]

Traditionnellement, les documents d’archives furent disponibles en consultation uniquement sur site dans une salle de lecture dédiée. Sur demande, l’utilisateur pouvait obtenir certaines copies de documents individuels, mais de façon exceptionnelle car souvent lié à des coûts de production et d’envoi par voie postale. Seulement l’arrivée de la numérisation comme moyen de duplication et Internet comme réseau de partage d’information ont changé l’enjeu en fournissant des possibilités sans fin pour la consultation des documents jusqu’ici difficiles à récupérer pour ceux qui n’avaient pas la possibilité de se déplacer (Dryden, 2014, p.65).


« Providing access and preserving the archival material for future generations are part of the archival institutions’ mandate. Currently, the new technologies offer many possibilities to them in order to support these goals. Digitization is one of these possibilities and through it, archival institutions can create virtual reading rooms, making their material available online, and enhancing access vial local networks and/or through the Internet, especially for users that cannot physically visit their premises.” (cit. Bountouri, 2017, p.29).


Si les opportunités de ce nouvel outil qu’est la numérisation des documents d’archives semblaient d’abord infinies, il est aussi porteur de risques et défis pour les archives, en particulier concernant l’accès et la préservation du matériel ainsi digitalisé. La commission européenne sur la préservation et l’accès (ECPA) reconnaissait la fascination des opportunités différentes et variées d’un côté, mais voyait en même temps les risques, en particulier pour la conservation sur le long terme du digital :


“Digitization is no doubt the issue that more than anything else fascinates and haunts preservation managers in archives and libraries at the moment. The possibilities seem limitless, the advantages are obvious, and from all sides there is pressure to exploit the new media for preservation purposes. … Yet, for preservation managers digitization is in a way a wolf in sheep’s clothing. How to deal, from a preservation point of view with a medium that is notoriously unstable, for which 10 years is long term?” (cit. Weber & Dörr, 1997, preface)


Les Archives ont accepté ce nouvel outil de numérisation pour trois motifs principaux : la conservation, les financements publics et privés pour des projets de numérisation du patrimoine culturel et l’accès aux fonds (Moss Currall, 2004, p.124-126). Le fait de copier des originaux comme mesure pour en améliorer la préservation avait été appliqué dans les Archives bien longtemps avant l’arrivée de l’ère digitale, et même si aujourd’hui la numérisation n’est pas considérée comme la meilleure méthode de conservation avec ses limites dans le temps, cet argument est fort utilisé pour justifier des projets de numérisation :


“One of the priorities is given to digitisation of documents suffering from autonomous decay…. The content of the threatened material is transferred to another storage medium by means of digitisation because it is feared the original document will disappear in time caused by its decay.” (cit. Janien Kemp, 2015, p.57)


Sous cette prérogative, la ville d’Amsterdam a lancé sa nouvelle stratégie de numérisation et a depuis rapidement et largement numérisé ces collections pour améliorer leurs conditions de préservation et les mettre à disposition d’un public plus large. En même temps, les Archives municipales se sont dédiées continument à l’innovation et à des applications en ligne pour joindre toujours plus d’utilisateurs (Janien Kemp, 2015, p.57).


L’autre argument plus fort, plus convaincant, est l’extension de l’accès à l’information et au savoir à travers des collections en ligne, qui promet un accès aux documents d’archives 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Ainsi, les documents sont au service de la recherche et de l’éducation, accessibles par plusieurs utilisateurs en même temps et trouvables par des moteurs de recherche. Le but d’améliorer l’accès aux documents numériques est fortement lié à une description professionnelle par métadonnées techniques et descriptives et la publication systématique des inventaires en ligne. Enfin, les collections d’archives en version digitale promeuvent l’image publique de l’organisation archivistique en reconnaissant que la numérisation devienne l’une des tâches principales des Archives pour laquelle elles mettent à disposition des ressources financières, humaines et techniques (Bountouri, 2017, p.29-30, et Borghi, 2013, p.11-13).


Les acteurs considèrent la numérisation des archives non seulement comme une meilleure gestion de l’information, mais aussi comme une action au sein de la gestion du patrimoine culturel. En 2010, les commissaires européens Neelie Kroes et Androulla Vassiliou nominaient un groupe de trois experts d’innovation digitale pour analyser comment mieux présenter en ligne le patrimoine culturel de l’Europe. Ce rapport « Nouvelle Renaissance » donnait une série de recommandations politiques en vue de positionner une nouvelle plateforme « Europeana » comme point de référence de la culture européenne digitale. Les Etats membres de l’UE furent priés d’intensifier leurs efforts et investissements et de propager l’intérêt du secteur privé en digitalisation du matériel culturel et la mise en ligne dans Europeana. Le but était de mettre 30 millions objets disponibles sur la plateforme entre 2015 (Jonathan Purday, 2012, p.2-4). Neelie Kroes, commissaire pour l’agenda digital pour l’Europe, disait :


“We can trigger a ‘Digital Renaissance’ in Europe. Bringing our museums’ and libraries’ collections online not only shows Europe's rich history and culture but can also usher in new benefits for education, for innovation and for generating new economic activities. It will put high-quality content on the net for many generations.”

(cit. Jonathan Purday, 2012, p.2). Le projet Europeana naissait en réaction au projet privé de ‘Google Books’ qui avait débuté en 2005 avec le but de numériser la masse de cinq des plus grandes collections bibliothécaires des États-Unis, et d’autres projets globaux du même acabit comme le celui de la World Digital Library de l’UNESCO. La numérisation massive de ressources patrimoniales promue depuis ces vingt dernières années par les pouvoirs publics et le secteur privé s’est progressivement matérialisée sur le web par la multiplication des sites et plateformes cherchant à valoriser ces dernières (Bideron, 2017, p.143). Europeana était conçue comme un projet de politique culturelle au niveau européen, comme un point d’accès digitale cross-culturel et multilingue aux collections des musées, bibliothèques et archives en Europe. C’était, en effet, la volonté de regrouper la mémoire digitale européenne, d’augmenter son accessibilité, et de promouvoir la visibilité des institutions culturelles derrières (Borghi, 2013, p.1-4, et Hacken, 2013, p.309).


“…the EC’s uptake of collective memory in cultural heritage projects is intimately linked to its wider efforts to forge and popularize a cohesive European identity. These efforts have been more pronounced since the expansion of the cultural sector in the 1970s but the focus on unity through shared values and culture began to gain momentum later through the creation of symbols of the kind that could be identified with invented tradition. These included a European flag, the European passport and the creation of a new currency, the Euro, as well as initiatives like the Culture Programme and the European Capitals of Culture.” (cit. Stainforth, 2016, p.326)


La conquête de l’espace virtuel s’est faite malgré la crainte d’une baisse de la fréquentation des institutions participantes et d’autres réticences initiales. La visibilité sur Internet permettait d’éclairer la relation des institutions culturelles avec le numérique, de redéfinir les liens avec le public, et de développer des stratégies de communication. Ce processus avait déjà commencé dans les années 1990 et provoquait un décalage entre les attentes initiales et les stratégies et actions réelles, qui se concrétisent pas à pas (Schafer, 2011, p.102)


L’accès aux documents digitaux et leur disponibilité à tous ceux qui sont connectés, apporte un effet démocratique en amplifiant la disponibilité de la mémoire collective et en donnant accès non seulement de manière sélective aux documents considérés comme plus importants, mais à des collections entières. Tout cela est possible avec une vitesse impensable lors d’une étude dans une salle de lecture traditionnelle, et avec en plus la possibilité de créer des connexions entre des collections impossibles avant (Schönherr-Mann, 2014, p.16-20). Pour l’utilisateur, le texte d’un document ne change pas qu’un document soit imprimé ou digitalisé et mis dans un cloud. Ce qui change, c’est la quantité de documents disponibles, le fait que le monde digital n’oublie pas ou bien différemment de la mémoire construite au sein des institutions ou de l’humaine (Schönherr-Mann, 2014, p.24). Les documents digitaux, leurs descriptions et les algorithmes pour les retrouver créent des structures dynamiques qui ne sont pas conçues pour mille ans mais pour mille minutes. Le processus de démocratisation de l’information se limite donc en même temps que la disponibilité grandit, parce que l’utilisateur est de plus en plus confronté à des masses d’informations, qui ne sont plus forcément ni compréhensibles, ni structurées et hiérarchiques, ou même systématiquement évolués et gérables (Faßler, 2014, p.31-32).


Dans la masse de collections disponibles en ligne, la distinction entre les institutions de provenance et pertinence - archives, bibliothèques ou musées - est de plus en plus floue. Si tout est disponible en ligne, ce n’est plus tellement important pour l’utilisateur de savoir où se trouve l’original. Ceci donne même lieu à des nouveaux types d’organisation : les institutions de la mémoire digitale qui ne compètent pas avec les archives, bibliothèques et musées sur le discours de l’original, mais qui ont comme but de créer ou d’augmenter l’accessibilité et visibilité de collections, ou bien de connecter plusieurs collections individuelles en format digitales sans que l’utilisateur ne doive sauter d’un organisme a l’autre avec différentes interfaces et bases de données pour consulter des collections diverses. (Kirchhoff, 2008, p.251-255).


Dans les vingt dernières années, plusieurs plateformes sous le modèle de ces institutions de mémoire digitale ont été inaugurées au niveau national, transnational et global. Comme premier exemple, nous pouvons mentionner le portail BAM du Land Bade-Wurtemberg qui présentait des collections de musées, archives et bibliothèques du Sud-Ouest de l’Allemagne et qui, après 10 ans, fut incorporé dans le projet national allemand ‘Deutsche Digitale Bibliothek’ (Kirchhoff, 2008, p.256). Pour la France on pourrait mentionner le projet de la Bibliothèque Nationale : GALLICA, et au niveau européen le portail UNIVERSEUM du réseau du patrimoine des universités européennes établi en 2000 et le Portail des Archives européennes APE. Le portail Europeana a le but d’intégrer les différents initiatives sectorielles et nationales sous un portail européen qui présente la diversité du patrimoine culturel (Kirchhoff, 2008, p.263).


Un questionnaire circulait en 2014 entre les membres de la Société des archivistes américains (SAA), concernant les stratégies et les défis de numérisation de leurs collections. Il relevait que les Archives visent, avec la numérisation, à mettre les documents à disposition des utilisateurs en ligne. Un des défis était de savoir comment respecter le copyright, en particulier dans des projets de digitalisation de masse (Dryden, 2014, p.67-68). Le copyright est vu comme un empêchement dans la mission d’accès aux archives en ligne (Dryden, 2014, p.71). Comme la digitalisation en masse ne permet pas le contrôle pièce par pièce, les Archives appliquent souvent une approche de gestion de risques en regardant des facteurs comme la date du matériel, ce qu’on connait des propriétaires des droits, la valeur commerciale du matériel et en conséquence la probabilité d’un litige (Dryden, 2014, p.81).


La digitalisation élargit le public du patrimoine culture qui le consulte et donc offre des opportunités d’ouverture, démocratique et transparentes, non seulement pour le monde de la recherche, mais aussi pour l’enseignement de l’histoire dans les écoles et universités. Pour accéder à l’histoire, les étudiants doivent transformer le passé en histoire avec une approche critique, un concept étrange dans le monde de la société de l’information digitale où tout est disponible dans un présent éternel, immatériel, simultané et en synchronie. Internet devient donc pour les étudiants l’archive moderne et innovatrice avec des millions de pages où les institutions chargent leurs documents officiels (Dondi, 2020, p.194-197) :


“La costruzione digitale di un deposito di fonti e il suo impiego nelle classi è uno

strumento che potenzialmente porta a un apprendimento professionalizzante, dota lo

studente di un notevole apparato critico che potrà utilizzare come dipanatore di fronte

ad ampie moli di fonti e dati.” (Dondi, 2020, p. 201)


Enfin, il faut aussi considérer quelques aspects techniques et de la gestion de projet pour designer et administrer des projets de succès : la définition des buts principaux, les phases du projet, les ressources humaines et financières, la sélection du matériel et la méthode de numérisation, la création des métadonnées et l’éclaircissement des questions légales et de publication en ligne (Bountouri, 2017, p.31-32). Aujourd’hui, les copies digitales sont généralement préparées en haute résolution page par page sous format TIFF (Tagged Image File Format), suivies par un contrôle de qualité et d’intégrité. A partir de la copie maitresse, on dérive toute autres types d’utilisation, soit de conservation digitale, soit de dissémination et reproduction. Les formats sont JPEG (Joint Photographic Experts Group), GIF (Graphical Interchange Format) ou PNG (Portable Network Graphics). Le rassemblement de collections sur CD, DVD ou sur des disques portables n’est plus souvent utilisé à cause du risque de qualité de ces médias digitaux, particulièrement à long terme. Les copies digitales nécessitent, au contraire, une gestion ou curation active, régulière et fréquente (Moss Currall, 2004, p.124).

Les stratégies numériques des institutions de l’UE[modifier | modifier le wikicode]

Avec l’établissement des Archives historiques de l’Union européenne auprès de l’Institut universitaire européen en 1983, les institutions de l’UE décidèrent de ne pas établir un service d’archives historiques au sein des institutions, mais de déposer leurs archives dans un institut académique au statut d’organisation internationale. Le règlement de 1983 prévoyait déjà l’obligation des institutions de préparer une copie (en microforme) de tout document prêt à être envoyer à Florence pour faire en sorte que l’accès aux documents d’archives soit limité aux copies et seulement en cas d’exception à l’original :

“Les archives historiques sont accessibles sous forme de copies. Toutefois, les institutions peuvent rendre accessibles les originaux de documents ou de pièces si l'utilisateur fait valoir un intérêt particulier et dûment motivé.” (cit. Règlement 354/83, article 1.5)


Cette création de copie répondait à plusieurs demandes. L’une était de donner aux institutions les moyens de fournir des services de recherche interne à leur institution après le départ des originaux à Florence. Le deuxième but était l’ambition et le droit que chaque institution se réservait, de fournir eux-mêmes aussi des services de recherche au public concernant leur institution, établissant ainsi une salle de lecture pour ceux qui désiraient consulter leurs archives. Un autre point était le fait d’en produire une copie de sécurité avant que les documents uniques ne quittent les institutions vers leur dépôt non-communautaire.

Les Archives de Florence de leur côté commençaient à produire des copies des archives privées sélectionnées sur la base de leur valeur particulière, ou suivant la volonté du dépostant d'en recevoir une copie, ou bien en répondant à la consultation fréquente en salle de lecture et aux risques de conservation liés. En 2008, pour répondre à l’ensemble de ces buts, les AHUE ont commencé à digitaliser leur premier fonds privé (le fonds du premier ministre italien de l’après-guerre, Alcide De Gasperi) et ont créé une base pour démarrer les réflexions au sein du groupe interinstitutionnel sur comment lancer une stratégie de numérisation des fonds institutionnels.

L’expérience de Florence ainsi que les nombreux projets de digitalisation qui émergèrent globalement dès la moitié des années 2000, rencontrait l’intérêt des institutions, et pendant les négociations pour l’amendement du règlement du 1983, décidé par le Conseil de l’Union européenne le 17 mars 2015, une campagne de numérisation par toutes les institutions de l’UE fut lancée. Tandis que des Archives publiques ou privés commençaient à numériser des fonds particuliers ou des documents individuels pour différentes raisons, comme la sauvegarde ou préservation de l’original, l’accessibilité en ligne, ou pour des expositions virtuelles, les institutions prirent une décision beaucoup plus ambitieuse, celle de numériser systématiquement tous les documents d’archives historiques avant leur versement aux Archives historiques à Florence et leur ouverture au public, donc une massive digitalisation de tout document d’archives en vue de leur accès au format digital.

“Dans toute la mesure du possible, les institutions rendent leurs archives accessibles au public par des moyens électroniques, y compris les archives numérisées et d'origine numérique, et facilitent leur consultation sur l'Internet.” (cit. Règlement 2015/496, article 9.1)

Le rôle centrale et singulier des AHUE dans cette stratégie est d’assurer le plus complèt et plus efficace accès aux archives historiques des institutions avec des inventaires et d’autres aides à la recherche en ligne en format numérique.


Les activités de numérisation des institutions et les projets de numérisation des archives privés déposés aux AHUE sont complémentaires. Le Groupe interinstitutionnel sert d’échange sur les fonds en cours de traitement et de digitalisation et coopère en assurant que tous les partenaires suivent les standards techniques actuels et respectent la protection des données personnelles et autres règles qui s’appliquent aux archives historiques des institutions de l’UE. Les AHUE proposent de leur côté, dans le programme de travail annuel, les fonds qu’ils prévoient de numériser dans l’année qui suit (FPA 2019, Annexe 1, art.6). Les Archives de Florence obtiennent les copies de consultation préparées par les institutions pour les mettre à disposition du public directement ou bien ils obtiennent un accès permanent aux copies gardées sur des serveurs institutionnels pour pouvoir les mettre à disposition du public (FPA 2019, Annexe 1, Article 1). L’accès au document original reste l’exception et est concédé sur motivation justifiée (FPA 2019, article 4, b)

Vers le futur digital[modifier | modifier le wikicode]

Avec la numérisation, les documents bougent, avec leurs complexités de contenu, structure, contexte, media et format, d'un support plutôt stable et robuste vers un environnement digital et hautement sophistiqué. Cet environnement, par sa nature, est contraire à l’idée de la conservation de l’original la plus longue possible et dans les meilleures conditions. La mémoire d'un ordinateur ne s’inscrit pas dans le temps long, selon une définition archivistique. Le silicone se dégrade très rapidement, les sites web changent continuellement et disparaissent, les clouds sont peu solides. Donc la numérisation peut être vue comme mesure de sauvetage seulement dans le sens de reformatage de l’original par une copie et sa distribution (Chun, 2011, p.18-19). Par conséquence, la première idée d’accès universel à l’information fut la production d’images digitales (Hacken, 2013, p.307), en reconnaissant que ces copies ne correspondaient pas au concept de l’original et sa précondition principale de l’authenticité (Walter Benjamin, 1936, p.41). Dans cette première phase c’était l’organisation propriétaire de l’original même à préparer et mettre en ligne des copies sélectives pour le public (Hacken, 2013, p.308).


Le principe de l’inséparable relation entre information et support qui pour des siècles étaient la base des méthodes et mesures de préservation en archives est devenu obsolète avec l’arrivée du digital :


„Dieses über Jahrhunderte bewährte Prinzip, wonach Information und Informationsträger untrennbar miteinander verbunden sind, wonach durch fachgerechte Behandlung des Informationsträgers die Information erhalten werden konnte, wurde in der digitalen Welt zunehmend obsolet.“ (cit. Weber Hartmut 2008, p.26.)


La numérisation comme transformation des moyens et média devient presque religieux quand les projets prennent une forme universelle et globale et formulent un but comme celui de rassembler tous les savoirs du monde même s’il faut toujours se questionner sur l’utilité publique de ce nouveau patrimoine partagé (Regimbeau, 2015, p.1-2). Aussi, les solutions de sécurisation, de stockage et de restitution sont encore à confirmer. Ce qu’on peut appeler la pérennisation des informations numériques devrait considérer cinq domaines toujours d’actualité : quelles informations pérenniser, dans quels systèmes d’archivage, en respect de quelles normes générales et questions juridiques, et enfin quels sont les acteurs, les rôles et les coûts. En plus, dans cette grande conversion numérique, il faut s’interroger sur les dangers d’un effacement inopiné des données et les difficultés d’interopérabilité de systèmes et formats de cette nouvelle forme de patrimoine numérique (Regimbeau, 2015, p.5-9).


Avec le “shift from boutique to bulk digitization” (cit. Larisa Miller, 2013, p.522), les archivistes se voient maintenant confrontés avec des attentes encore plus grandes du côté des organisations ou individus qui déposent leurs archives et souvent demandent la digitalisation comme condition pour un dépôt ou donation. Aussi les utilisateurs ont désormais l’attente de voir les collections entières disponibles en ligne (Larisa Miller, 2013, p.522). Mais contraire à une approche hyper-ambitieuse de tout digitaliser, il faudra continuer à judicieusement sélectionner quoi numériser, en privilégiant certains matériaux qui sont les plus consultés et les plus à risque :


“Contrary to the belief of some, it will never be possible to ‘digitise the world’ or entire holdings and as a result material will need to be carefully and judiciously selected just as in the analogue world.” (Moss Currall, 2004, p.127)


La numérisation, même si elle semble fournir des résultats rapides sans grands investissements, ne pourra jamais être l’objectif final, mais le chemin pour achever un but. Qui donc numérise à partir de l’original, et ne veut pas répéter l’action chaque fois que la technologie avance, devra s’occuper aussi de la préservation de longue durée de la copie digitale (Weber, 2008, p.30-32).


Les chercheurs, du front au monde digital, ne vont pas nécessairement contacter un service d’archives pour savoir si un fonds ou un document existe. Ils vont chercher directement sur Internet. Et donc, si les archives en question n’y sont pas présentes, elles ne seront ni trouvées, ni consultées, et donc comme inexistantes (Trinkaus, 2013, p.16). L’archiviste continue à guider l’utilisateur qui, seul devant la masse d’information numérique, a des difficultés à en comprendre le sens, le contexte et la structure d’une collection sans aide. La sélection, présentation, description, les références et la médiation sont les méthodes pour augmenter la compréhension et l’éducation des utilisateurs et du public intéressé en utilisation des archives numériques (Moss Currall, 2004, p.129-130). Les métadonnées, le vocabulaire, les thesaurus et mots-clefs sont chers et laborieux à produire, mais ils ne sont pas devenus obsolètes devant la technologie des moteurs de recherche. Même si ces moteurs avec leurs algorithmes, qui produisent du ranking et faceting, ont une valeur inestimable, la présentation des résultats peut être hasardeuse en fonction de l’algorithme qui reflète la popularité et non pas la valeur intellectuelle ou historique d’un document (Moss Currall, 2004, p.131).


Le rôle de l’archiviste passe donc, dans le monde digital, du gardien du patrimoine vers un promoteur, proactif, transparent et démocratique, pour l’accès des fonds au large public. Les archives si accessibles garantissent la transparence de l’action du gouvernement et de l’administration de l’Etat moderne, le « freiheitlich demokratische Rechtsstaat » (Weber, 2008, p.26).


Les archives se trouvent face à une transformation profonde. Le monde digital permet de connecter les collections avec d’autres archives ou des objets, personnes et évènements, et fournissent les possibilités d’absorber progressivement d’autres taches, missions et outils. Ainsi on pourrait mentionner les archives digitales de la United States National Security Agency (NSA), qui collectionne les données personnelles, les appels téléphoniques, des conversations en ligne, des emails des personnes dans le monde entier (Grau, 2017, p.13-14).


Récemment, la pandémie Covid pousse encore plus les archives vers le monde numérique. Les utilisateurs qui, pendant des mois ne peuvent pas accéder aux collections, réclament, à juste titre, la disponibilité des documents pour leur recherche en version digitale. L’approche de la numérisation sur demande n’est pas nouvelle. Les Archives de la Ville d’Amsterdam, par exemple, ont une bonne expérience en numérisation sur demande pour accéder à des documents. Leur base de données propose la recherche dans les inventaires en ligne, et le contenu, sous un numéro spécifique dans l’inventaire, peut être demandé en copie numérisée. Une fois reçue la demande, l’original est collecté de la salle de stockage, et l’on contrôle si son état permet la digitalisation. Une fois numérisé, l’original n’est plus mis à disposition en salle de lecture. Bien que la numérisation sur demande provoque un travail en plus considérable, avec des utilisateurs qui contactent directement les archives par courrier électronique ou autres moyens et qui demandent parfois de longues listes de dossiers (Kemp, 2015, p.58). Dans cette perspective, on ne parle plus de public, mais d’usagers qui participent et collaborent à la circulation et utilisation des contenus qui sont quand même considéré comme un patrimoine culturel et nous tirent vers une certaine industrialisation de la culture (Bideron, 2017, p.145).

Bibliography[modifier | modifier le wikicode]

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European Union, Regulation (EU) 2016/679 of the European Parliament and of the Council of 27 April 2016 on the protection of natural persons with regard to the processing of personal data and on the free movement of such data, and repealing Directive 95/46/EC (General Data Protection Regulation) <https://eur-lex.europa.eu/eli/reg/2016/679/oj>.


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Proposition initiale


Dans le cas des institutions, toute politique de numérisation est l’équivalent d’une politique d’acquisition ou de récolement, puisque la numérisation va accroître le fonds, puisqu’elle suppose une sélection et un budget. On peut supposer que, dans le cadre d’institutions, ces politiques sont formalisées, encadrées sur les plans budgétaires, juridiques, scientifiques, techniques. Elles comportent par conséquent un pari sur les usages anticipés et une évaluation des retours sur investissement.

Le dilemme traditionnel entre conservation et communication, lié à la fragilité des objets patrimoniaux physiques, est-il en passe d’être réglé par la numérisation ? C’est en tout cas un des mobiles de la numérisation généralisée des patrimoines. Mais faut-il envisager la conservation comme un usage en soi ? Ou seulement comme un préalable à tout usage ultérieur ? Cette fonction, indissolublement liée à la notion même de patrimoine, qui suppose la transmission dans le temps, doit être interrogée, au moment où le stockage numérique fait surgir les périls de l’hypermnésie, de la surcharge cognitive et de l’“embolie informationnelle” (12).

Toute numérisation suppose que le personnel des institutions soit sensibilisé et formé à la fois aux contraintes de la numérisation et aux conséquences sur les usages. On se situe dans un cadre de conduite du changement, tel qu’il s’est manifesté dans la quasi-totalité des organisations depuis l’arrivée de l’informatique. L’arrivée d’objets numériques et numérisés dans les collections change en profondeur les process de travail et, partant, les organigrammes, les métiers, les profils professionnels. Plus globalement encore, les mutations touchent tout ce qui fonde le pouvoir des institutions patrimoniales : conservation, détention, rétention, documentation, valorisation et mise en scène. Celles-ci doivent se réinventer une utilité sociale qui conditionne leur avenir et leur place dans les politiques publiques.


Pistes de réflexion :

  • Place et formulation des anticipations d’usages dans les politiques de numérisation
  • Redéfinition des missions des institutions patrimoniales par la prise en compte des usages
  • Question de la valeur attribuée au patrimoine /deux catégories principales de valeurs patrimoniales : les valeurs de non-usage (ex : conservation) et les valeurs d’usage, directs ou indirects (Francesca Cominelli, Culture & Recherche, p.75).
  • Aborder le patrimoine culturel comme bien commun : vers un nouvelécosystème patrimonial entre privé et public ?

Suggestions bibliographiques :


  • Bachimont, B. (2017). Patrimoine et numérique: technique et politique de la mémoire .Bry-sur-Marne, France: INA.
  • IDERAN JESSICA, B., “L’extension numérique du musée”, In Définir le musée du XXIe siècle , Colloque international ICOFOM, 9-11 juin 2017, sous la dir. de François Mairesse, p.143-147. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01855839/document
  • Vidal, G. (2015). “La médiation numérique muséale. Vers des formes renouvelées de participation des publics aux activités des musées”. In Chapelain, Brigitte (dir.), Expression et pratiques créatives numériques en réseaux , (139-157). Paris : Hermann.
  • Régimbeau, G. (2015). Du patrimoine aux collections numériques : pratiques, discours
  • et objets de recherche. Les Enjeux de l'information et de la communication, 16/2 (2), 15-27.
  • https://www.cairn.info/revue-les-enjeux-de-l-information-et-de-la-communication-20

15-2- page-15.htm.

  • Schafer, V., & Benjamin T. (2011). Le mariage de raison du musée d'art et du Web.
  • Hermès, La Revue, 61, (3), 102-105.

https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/articles/par-annee/numeros-2015/


12 Terme emprunté à Emmanuel Doutriaux, « Matérialités instables, Temporalités complexes », Les Cahiers de la recherche architecturale urbaine et paysagère [En ligne], 3 | 2018. URL : http://journals.openedition.org.ezproxy.univ-paris3.fr/craup/1192 ;