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Matière : numérisation, dématérialisation, perte d’aura et permanence du patrimoine

Baptiste Bohet et Nicole Vincent

Si le patrimoine culturel matériel partage beaucoup de points communs avec le patrimoine immatériel, défini par l’Unesco en 2003, une troisième forme de patrimoine, le patrimoine nativement numérique, prend de plus en plus d’ampleur. Dans ce contexte, la Déclaration de Vancouver sur le numérique de 2012 — La Mémoire du monde à l’ère du numérique : numérisation et conservation23 — souligne à quel point les enjeux matériels sont décisifs pour la sauvegarde d’un patrimoine numérique risquant d’être perdu en cas d’obsolescence rapide du matériel et des logiciels qui servent à le créer et à le consulter.

A propos des rapports entre monument et document, Louise Merzeau explique que “[...] chaque religion, idéologie ou doctrine dominante adopte une certaine économie des traces, qui fixe des pratiques et des significations, en ordonnant l’enregistrement, le stockage et la circulation des inscriptions. Point de convergence entre des croyances, des savoirs, des acteurs et des techniques, les traces témoignent ainsi d’une organisation du collectif par l’organisation de la matière24.” Le patrimoine numérisé devient ainsi trace d’objets qui, au mieux, existent encore quelque part et peuvent être comparés à leur représentation numérique mais qui, de plus en plus souvent, ont disparu après leur numérisation ou même en raison de leur numérisation. Ces données rejoignent ainsi l’ensemble patrimonial des données nativement numériques et leurs problématiques de fidélité, de pérennité et d’indexation.

Argument :

Il s’agit dans ce chapitre d’examiner comment ont pu se modifier les frontières et les hiérarchies entre le patrimoine matériel25 et ses instances numériques. Depuis la révolution industrielle, l' aura est ébranlée par l’avènement de la reproductibilité technique des oeuvres, l’ aura d’un objet étant liée à son un icité (Walter Benjamin), à son authenticité définie par son origine, sa matérialité, sa qualité de témoignage historique. Quand les oeuvres deviennent reproductibles et se confondent avec les originaux, ou même les dépassent, le "hic et nunc" de l'oeuvre d'art est déprécié, son autorité et l’expérience ritualisée sont ébranlées. La valeur cultuelle de l'oeuvre, qui caractérise l' aura , est remplacée par la valeur d'exposition . Les écarts fondamentaux entre oeuvres, documents (en particulier numériques) et données, même s’ils relèvent d’une même économie des traces mais aussi de temporalités et de finalités divergentes, peuvent-ils se compléter pour assurer conjointement le processus de patrimonialisation et la transmission d’un patrimoine?

Pistes de réflexion :

● Le numérique fait-il perdre le rapport tangible à l’oeuvre, au patrimoine?

● Que signifie fréquenter un patrimoine numérisé, quelles modalités de co-présence avec une oeuvre “dématérialisée” ?

● Complémentarité des expériences in situ et en ligne des patrimoines numérisés ?

● Rapport entre inflation documentaire et abus patrimonial

● Mythe de la dématérialisation, de la virtualité, les données, n’étant pas immatérielles (10% de la consommation électrique mondiale): penser aux Data Centers, à la question du stockage.

● Ecologie de la donnée (notamment web sémantique).

● Que signifie de passer de l’analogique au numérique ? Du continu au discret? Traduction, transformation, trahison, translation, double numérique, symbole, mimesis

● Quel traitement spécifique pour le patrimoine immatériel ?

Bibliographie :

  • Culture et Recherche 133, été 2016, Patrimoines. Enjeux contemporains de la

recherche, sous la direction de Pascal Liévaux, PDF - 3 MO

  1. dhnord2018: Matérialités de la recherche en sciences humaines et sociales | appel à

communications https://www.meshs.fr/page/dhnord2018_aac

  • Marcello Vitali Rosati, « La virtualité d’Internet : Une tentative d’éclaircissement

terminologique » [ archive ], sur Sens Public , 16 avril 2009

  • Rouffineau, G. (2018). Éditions off-line: projet critique de publications numériques,

1989-2001 . Paris, France: Éditions B42.

  • Doueihi, M., & Louzeau, F. (2017). Du matérialisme numérique . (Le Collège des

Bernardins, Ed.). Paris, France: Hermann.

  • Jeanneret, Y. (2008). Penser la trivialité. La vie triviale des êtres culturels . Paris, France :

Hermès Lavoisier.

  • Régimbeau, G. (2015). Du patrimoine aux collections numériques : pratiques, discours

et objets de recherche. Les Enjeux de l'information et de la communication, 16/2 (2), 15-27. https://www.cairn.info/revue-les-enjeux-de-l-information-et-de-la-communication-20 15-2-page-15.htm

  • Stéphane Vial. La fin des frontières entre réel et virtuel : vers le monisme numérique.

Frontières numériques et artefacts, pp.135-146, 2016, 978-2-343-07623-2. < http://www.editionsharmattan.fr/index.asp?navig=catalogue

  • ROSNER, Daniela, ROCCETTI, Marco, et MARFIA, Gustavo. The digitization of cultural

practices. Communications of the ACM , 2014, vol. 57, no 6, p. 82-87.

24 Louise Merzeau dans Melot, M. (1999). La confusion des monuments . Paris, France: Gallimard, p.47. 25 Le patrimoine matériel ne s’est vu ainsi désigné que depuis la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a été adopté par l’Unesco en 2003 afin de le distinguer du patrimoine immatériel (I.Pallot-Frossard, 2016)