II-C-4

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C - Design et esthétique des patrimoines numérisés[modifier | modifier le wikicode]

3. Architectures augmentées, architectures des sens : les musées et l’immersion (titre initial:L’expérience esthétique)[modifier | modifier le wikicode]

Sarah Kenderdine

Traduction Clément Martin


Les liens entre musées et immersion sont au cœur de l’ouvrage d’Alison Griffiths intitulé Shivers Down Your Spine : Cinema, Museums, and the Immersive View[1]. Sa thèse principale est la suivante : on ne peut réellement parler de « vue immersive » ou d’immersion sans aborder la question des musées, puisque l’idée de l’expérience muséale est également de « susciter l’intérêt, déclencher la participation des usagers et favoriser l’immersion dans un environnement extraordinaire[2] ». Les musées comme les espaces culturels publics sont les lieux d’un « voir citoyen », et ils ont évolué grâce à la redéfinition constante de l’expérience de la vision au fil des siècles[3]. Qui plus est, ils s’inscrivent dans une généalogie multiple : l’histoire du spectatorat inclut toute une variété de formes du voir qui ont permis l’utilisation de multiples optiques, technologies et stratégies immersives. Le musée implique par ailleurs de nombreux attributs sensoriels : la vision bien sûr, mais aussi un ensemble de caractéristiques acoustiques, tactiles et somatiques.

Dans cet article, j’essaie de formuler les différentes grammaires de l’immersion assistée par le numérique, en m’appuyant sur la nature immersive des musées et sur la façon dont ils investissent l’espace citoyen et les écrans publics. Pour ce faire, j’étudie le design et la réception de l’immersion dans une série de pièces que j’ai co-conçues : systèmes immersifs, œuvres d’art numériques interactives, et travaux de mise en valeur du patrimoine culturel. Ces systèmes mettent l’accent sur les interactions personne-machine ou entre personnes, et reformulent un récit par le biais de protocoles numériques qui le rendent saisissant. Ces installations résultent de mon expérience dans le développement de projets spéciaux pour des musées en qualité de conservatrice, d’artiste des nouveaux médias et de chercheuse. Afin de montrer en quoi de telles architectures reconfigurent le langage et la logique de l’immersion, j’aborde cinq exemples d’expériences immersives qui utilisent des stratégies interactives et immersives spécifiques. Ces expériences sont panoramiques (Pure Land), en réalité augmentée (Pure Land AR), hémisphériques (Travelling Kungkarangkalpa), panoptiques (UNMAKEABLELOVE), et l’une d’elles utilise un écran géant dans l’espace public (Zooming Sydney). Il s’agit, en évoquant ces installations qui s’inscrivent dans la lignée du cinéma étendu, du cinéma interactif ou des formes « post-cinématographiques », de retracer un aspect essentiel de l’évolution du musée nouveau : le passage, dans l’expérience du spectateur, d’une forme passive à une forme active de consommation et de co-création. Comme nous allons le voir, la nouvelle génération de systèmes immersifs a transformé les visiteurs en agents mobiles et en interacteurs, et a fondamentalement modifié la passivité relative de leur relation à l’écran, transcendant de ce fait les relations sujet/objet.

Selon l’histoire de l’art et l’archéologie des médias, l’architecture des sens s’est développée sur plusieurs siècles[4]. Ces deux approches donnent des éclairages différents sur les formats immersifs et leur réception. Une des trajectoires théoriques veut que toutes les formes de médias soient intrinsèquement multisensorielles : l’interaction a toujours lieu via un ensemble de sens. On a par exemple appelé la télévision « une extension du toucher » et le cyberespace « une nouvelle forme de perspective… une perspective tactile[5]. » Corollaire de cette tactilité : l’image virtuelle peut également être habitée, puisque « sa synthèse tridimensionnelle permet à l’artiste d’intervenir non seulement sur l’image, mais à l’intérieur de celle-ci… L’image devient architecture[6]. » Remonter une autre branche de cette généalogie des médias permet de découvrir une croyance partagée par beaucoup des pionniers des années 60 : selon eux, l’incarnation spatialisée et multisensorielle que rend possible la projection sur dôme améliorerait la vitesse et les capacités cognitives humaines, et renforcerait la sensation de présence. D’un point de vue technique, l’immersion est capable de produire une sensation de présence, soit la sensation « d’être là » dans un environnement virtuel[7]. Cela fonctionne grâce à la nature multimodale de la perception humaine et des sens, lesquels sont activés dans les environnements virtuels par différentes interfaces interactives via lesquelles les participants deviennent des acteurs à l’intérieur de ce monde. Malgré l’importance accordée au dispositif, la présence appartient à l’univers de l’esprit : c’est l’effet psychologique, sensoriel, perceptuel et cognitif de l’immersion. Les premières projections sur dôme ont fait suite à des tentatives de simulation de la « gestalt sphérique du champ de vision humain » ; elles étaient conçues pour exploiter et étendre la perception sensorielle[8].

Cependant, si nous faisons aujourd’hui l’expérience de la présence dans des environnements virtuels, c’est le fruit d’une longue histoire d’immersion technologique faite de générations de panoramas, de cycloramas, de dioramas, de sensoriums et de toutes sortes d’autres appareils optiques[9]. S’adonner au sentiment de présence, c’est se réjouir de l’automate, croire dans la magie et le fantasmagorique, ou se sentir transporté par des effets spéciaux ; et c’est aussi embarquer pour un voyage virtuel permettant de « s’essayer à la mort à moindres frais[10]. » Ce que Griffiths appelle le « regard révérent » est un point crucial de la présence comme le montrent le spectacle visuel, le sublime, l’aura et l’émerveillement, autant de concepts mobilisés par la vue immersive au sein d’un musée[11]. Par contraste, l’histoire des systèmes post-cinématographiques se focalise plutôt sur les architectures de l‘incarnation, un mouvement en pleine évolution qui a été au cœur de mes vingt dernières années de pratique et de recherche. J’ai cherché à créer les outils nécessaires à des expériences participatives et immersives, à fournir de nouvelles modalités d’interaction physique et de nouvelles façons d’approcher le virtuel dans les musées, et à renforcer le rôle du corps dans la relation participative avec le « contenu » dans les rencontres post-cinématographiques.

Relevant du panoramique comme de la réalité augmentée, Pure Land (2012) déploie des stratégies d’immersion pour fournir un cadre nouveau à l’expérience muséale des sites archéologiques[12]. La série Pure Land s’appuie sur la reconstruction virtuelle d’un site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO : la grotte n°220, qui fait partie des grottes de Mogao situées dans le Gansu, en Chine. 750 d’entre elles forment un réseau sur cinq étages creusés le long d’une falaise se trouvant dans le désert à vingt-cinq kilomètres au sud-est de la ville de Dunhuang. Au total, 492 de ces grottes sont ornées de peintures murales sur plus de 45000 mètres carrés et elles contiennent 2000 figurines en argile peinte de Buddha et de bodhisattvas. Comme beaucoup de grottes et d’autres sites souterrains dans le monde, les grottes de Mogao sont grandement menacées par le nombre croissant de visiteurs et par l’humidité qu’ils amènent. Aujourd’hui, la plupart de ces lieux sont fermés au public, tandis que les visites sur place font l’objet de contraintes très strictes, quoique nécessaires. C’est pourquoi l’Académie de Dunhuang a lancé en 1999 un ambitieux programme de numérisation des grottes utilisant une technologie laser et des photographies en haute résolution.


Figure 1 Pure Land: Inside the Mogao Grottoes at Dunghuang, Sarah Kenderdine, Jeffrey Shaw, Leith Chan & Cédric Maridet (2012).


La première œuvre de cette série, Pure Land : Inside the Mogao Grottoes at Dunhuang (2012), fait l’objet d’une projection stéréoscopique sur 360 degrés dans un grand théâtre panoramique : jusqu’à 30 personnes à la fois peuvent ainsi faire l’expérience d’une visite conforme à la réalité de ces temples troglodytes, et observer leurs magnifiques peintures murales bouddhistes à l’échelle originale. Créée à partir des photographies en haute résolution et des numérisations 3D de l’Académie de Dunhuang, Pure Land constitue un facsimile virtuel et immersif qui restitue l’extraordinaire variété des peintures et sculptures trouvées sur ce site. Les données de la grotte n°220 et de ses fresques à la grande richesse narrative ont donné matière à innovation dans le domaine de l’interprétation patrimoniale. En effet, chercheurs, artistes et experts en patrimoine numérique de l’Académie de Dunhuang ont tous contribué à améliorer les représentations architecturales et photographiques de la grotte à l’aide de multiples outils : animations, modélisations 3D, recolorations, agrandissements numériques, et même création sonore, de la musique ayant été reconstituée et enregistrée pour l’occasion sur des instruments d’époque. Parmi ces stratégies interactives, on trouve une torche virtuelle qui simule l’expérience réelle d’une visite en fournissant au visiteur une petite lampe à LED pour éclairer les peintures. Autre outil puissant : une loupe virtuelle qui permet au visiteur de zoomer et de voir les images en ultra-haute résolution à travers une lentille 3D qui peut occuper la totalité de l’écran. Des objets spécifiques de chaque tableau, comme une rangée d’encensoirs ou les instruments de deux groupes de musiciens, sont modélisés en 3D et flottent hors de l’écran. Dans une de ces scènes, des membres de l’Académie de danse de Pékin, filmés en 3D, sortent d’une fresque pour donner vie aux célèbres scènes de danse de Dunhuang, qui dépeignent un genre de danse classique chinoise influencée par les cultures d’Inde et du Moyen-Orient.

Les architectures panoramiques ont depuis longtemps démontré leur pouvoir d’immersion extrêmement convaincant[13]. L’aspect omnidirectionnel de l’écran en mode panoramique implique des angles et des points de vue qui changent constamment, ce qui entraine une réorganisation dans laquelle « l’espace tel qu’il est perçu dans la posture habituelle (debout)» perd sa « directionnalité privilégiée[14] ». De plus, l’utilisation du panorama est en un sens plus démocratique car on y découvre l’entièreté d’une scène, de telle sorte qu’il n’y a pas d’observateur idéal, ni de cadre ou de composition « parfaite ». Dans Pure Land, la superposition de la grotte visualisée en 3D à l’échelle un, et des différentes couches multimédias, crée une expérience visuelle immersive et incarnée, qui redonne ainsi une nouvelle vie aux dimensions esthétiques, narratives et spirituelles de ces fresques et sculptures exceptionnelles. Ce dispositif propose de nouveaux paradigmes conceptuels, technologiques et opérationnels pour l’avenir de l’interprétation patrimoniale et de la muséographie incarnée.


Figure 2 Travelling Kungkarangkalpa, Sarah Kenderdine, Paul Bourke, Chris Henderson, Cédric Maridet, Brad May & Peter Morse (2017).


De nos jours, l’alternative la plus commune à la « posture debout » caractéristique du regard cinématographique est probablement celle que l’on trouve dans l’immersion hémisphérique typique des musées scientifiques (un paradigme dont on pourrait remarquer qu’il lie connaissance scientifique et systèmes de vision). Les musées scientifiques sont souvent associés aux écrans IMAX et aux planétariums utilisant la technologie full dome : ces infrastructures sont rentabilisées par des pratiques commerciales et disposent de systèmes pour partager des contenus entre organisations partenaires. Même si l’IMAX 3D constituait un langage cinématographique d’une nouveauté radicale à son époque, l’impression de courbure hémisphérique de ce dôme hérite d’une longue histoire : de nombreuses cultures à travers le monde l’ont recréée, souvent pour envelopper les environnements les plus sacrés. Des stoupas bouddhistes aux temples jaïns en passant par les mosquées islamiques et les cathédrales chrétiennes, les constructions en forme de dôme sont des lieux de rituel, de communion et de transcendance. La surface de ces enceintes et des arches qui les recouvrent a souvent été utilisée pour représenter des « construits psycho-cosmologiques », et décorée « de formes  incorporelles idéales [15] ». Ces grottes anciennes, où gravures et peintures s’animaient à la lumière du feu et des torches, étaient en quelque sorte les premières expériences immersives créées par l’humanité[16]. Avec toutes l’iconographie et le symbolisme géométrique qui imprègne leur intérieur comme leur extérieur, ces dômes continuent à représenter la vision du monde de nombreuses traditions.

Au cœur de l’exposition Seven Sisters Songlines qui a eu lieu en 2017 au Musée National d’Australie se trouvait Travelling Kungkarangkalpa, une expérience en full dome que j’ai conçue et qui transmettait un récit des origines qu’on retrouve de la côte ouest à la côte est de l’Australie. Dans cette « piste de rêve » épique qui est également une des plus anciennes du pays, sept sœurs sont poursuivies par un esprit maléfique et protéiforme nommé Wati Nyiru ou Yurlu : il les pourchasse vers l’est à travers le pays et jusqu’au ciel nocturne, où elles finissent par devenir l’amas d’étoiles des Pléiades. Conçue pour immerger le public dans l’histoire des sept sœurs (Kungkarangkalpa) pendant le temps du rêve (Tjukurpa), l’exposition présentait des peintures, des objets et un environnement full dome. Le projet a été encadré et créé en collaboration avec les communautés indigènes australiennes, et l’exposition a traversé le continent en passant par trois territoires désertiques : l’Anangu Pitjantjatjara Yankunytjatjara (APY), le Ngaanyatjarra, et le pays du peuple Martu.

Travelling Kungkarangkalpa s’accompagne de deux voyages en full dome. Le premier propose aux spectateurs de découvrir la grotte sacrée de « Walinynga », dont le plafond peint à l’ocre fournit aux sept sœurs une canopée animée. Pour la première fois, la grotte a été photographiée en 3D, ce qui a permis aux visiteurs de découvrir les histoires intimes contenues dans ses plis de grès. Le second voyage immerge les visiteurs dans une série d’œuvres d’art inspirées par ce tjukurpa, ce temps du rêve, figurant les sept sœurs qui traversent le pays. Dans la dernière scène, les sœurs sont modélisées en 3D, et leurs corps faits d’herbe tressée (ou tjanpi) s’animent et s’envolent, suggérant leur devenir d’étoiles dans le ciel nocturne. Le dôme suspendu maximise l’incarnation kinesthésique et l’engagement émotionnel puisque les spectateurs se plongent dans l’hémisphère qui les surplombe. Ce champ de perception englobant est complété par le dôme lui-même, qui fonctionne comme une cape acoustique et amplifie l’architecture sonore de l’œuvre. La position allongée permet aux spectateurs de se détendre physiquement et de se concentrer sur la voûte qui enveloppe leur champ de vision. Cette position est familière : c’est celle du sommeil, où l’on rêve ; celle du camping dans le désert, où l’on regarde les étoiles – autant de souvenirs incarnés qui rendent les spectateurs plus réceptifs. Comme l’art rupestre qui les précède, ce sanctuaire multisensoriel moderne reflète les cosmologies des Premières Nations et leur vision du monde, qui ont donné naissance à Travelling Kungkarangkalpa.


Figure 3 UNMAKEABLELOVE Sarah Kenderdine, Jeffrey Shaw & Ulf Langheinrich (2008).


Le revers d’un régime optique panoramique dans lequel les spectateurs regardent autour d’eux est un régime panoptique qui regarde « vers l’intérieur », un espace systémique fait d’objets et de mondes virtuels autour desquels circulent les participants. Reprenant un modèle précédent que j’avais co-conçu pour le musée Victoria de Melbourne, ReActor est un système mobile qui a été utilisé dans de multiples installations et musées d’art des nouveaux médias de par le monde. Son plan hexagonal constitue une configuration d’observation panoptique, avec six écrans à projection arrière diffusant des images en stéréoscopie 3D. Pensée pour être mise en scène dans ReActor, UNMAKEABLELOVE est une œuvre d’art que Jeffrey Shaw et moi-même avons créée sur commande pour l’exposition Shanghai eArts/eLandscapes qui s’est tenue en 2008 au musée des sciences et technologies de Shanghai, et qui a ensuite voyagé dans plusieurs musées et festivals internationaux. Inspirée par la nouvelle de Samuel Beckett intitulée « Le Dépeupleur » (1970), UNMAKEABLELOVE crée un état tangible de confrontation et d’interpolation entre nous et une société dont le fonctionnement repose sur un état grave d’entropie physique et psychologique. C’est là un monde fait de contraintes et de privations, évoquant un espace d’abstraction post-moderne qui n’est pas sans rappeler le purgatoire de Dante et auquel ReActor fournit une intensité panoptique. Devant chacun des six écrans, une lampe torche permet aux visiteurs d’observer l’intérieur de ce monde virtuel. Les rayons de lumière virtuelle générés par les torches rencontrent et éclairent les silhouettes numériques qui habitent cet espace. Le réalisme des comportements obsessionnels de ses habitants résulte de l’exploitation des données d’enregistrements d’acteurs en motion capture : animés par ordinateur, leurs mouvements sont rendus en temps réel à l’aide d’un moteur 3D et d’algorithmes de simulation. L’espace où vivent ces personnages peut être perçu comme une prison, un asile, un camp de prisonnier, une émission de télé réalité ou encore l’œuvre atroce d’une ingénierie totalitaire.

La stratégie esthétique de la simulation interactive incarnée met en jeu la présence, l’agentivité et la complicité du spectateur dans cette dystopie Beckettienne, et c’est précisément cette corrélation opérationnelle entre ce qui est réel et ce qui est représenté qui sous-tend le design de ReActor. Ce dispositif introduit le virtuel dans le cadre d’un environnement réel et forme ce qu’on appelle souvent une réalité mélangée. Afin d’incarner plus explicitement la conjonction entre espaces réels et virtuels dans cette œuvre, le spectateur éclaire avec sa torche à la fois l’intérieur du conteneur mais également les spectateurs situés de l’autre côté de l’installation. Cette réalité mélangée est créée par l’entremise de caméras infrarouges pointées vers les opérateurs des lampes torches, et les images qu’elles filment sont reproduites sur l’écran des spectateurs pour donner l’impression qu’ils illuminent la personne du côté opposé. Les réalités effectives et simulées de la présence des spectateurs se combinent alors, ce qui renforce une conjonction perceptuelle, psychologique et kinesthésique entre ceux qui voient et ceux qui sont vus.

Cette dernière stratégie convient parfaitement aux œuvres théâtrales et participatives qui viennent incarner un ou plusieurs opérateurs ou utilisateurs dans un système. La théorie de la performance appelle cette approche le double play : l’utilisateur y est l’interacteur du système, tandis que c’est l’interaction entre utilisateur et système qui est la performance au cœur de l’œuvre. En effectuant une performance dans un contexte interactif et immersif,

l’utilisateur perçoit et fait l’expérience de l’acte d’interagir avec le système sous le regard potentiel de spectateurs… c’est précisément cette conscience de la potentialité d’un spectateur qui fait de l’utilisateur un performeur.[17]


UNMAKEABLELOVE fournit aux participants un moyen de se co-localiser à la fois dans des mondes virtuels et réels, et d’être présent aux autres grâce à l’interface, ce qui crée ainsi, en quelque sorte, une plateforme étendue dédiée à une forme de voir citoyen.[18]


Figure 4 Zooming Sydney, Sarah Kenderdine, Jeffrey Shaw & Paul Nicola (2017).


De nos jours, les environnements immersifs sont omniprésents et occupent notamment les espaces publics : leurs grands écrans sont le lieu de nouvelles formes d’engagement citoyen. Zooming Sydney souligne quelques-uns des paradoxes inhérents à l’architecture spectatorielle telle qu’elle est mise en œuvre dans des environnements de projection post-cinématographique ; ces paradoxes ont trait à la relation entre matérialité et immatérialité, entre mobilité et immobilité. L’environnement de projection architectonique de l’écran public améliore grandement la « virtualité mobile » de l’écran de cinéma traditionnel, même si le public reste immobile : il demeure spectateur face à l’espace délimité par un cadre imposé[19]. Et pourtant les espaces publics munis d’écrans constituent également des architectures du déplacement : ils permettent aux gens de circuler dans cet espace public et de faire l’expérience de son architecture de façon séquentielle, dans une temporalité qui s’associe à celle du virtuel. Il existe de plus une tension spécifique inhérente à la mobilité et à la stase des formes conventionnelles d’écrans virtuels (comme ceux de l’ordinateur de bureau, de la télévision, du cinéma) : cet écran sépare la matérialité de l’espace spectatoriel, immobile, de l’immatérialité virtuelle de ce même espace perçu et parcouru dans un même « cadre ». Par comparaison, les écrans réellement immersifs mobilisent les participants grâce à des stratégies d’interaction qui demandent une intervention kinesthésique et corporelle et qui créent par là l’opportunité de redéfinir l’agentivité et la temporalité du « temps réel ». Ainsi, les « techniques de l’observateur » décrites par Crary en termes d’immobilité et de passivité, sont transformées en des modalités d’immersion spatiales, mobiles et actives.

Zooming Sydney est une installation conçue autour d’une boucle vidéo de 90 minutes pour un écran de 20 mètres par 3 qui se situe à l’intérieur de Wynyard Station, un des centres de transport urbain les plus denses de Sydney. Cette installation temporaire montrait la plus grande photographie à 360 degrés au monde (avec 125 milliards de pixels), prise en 2014 depuis la tour Centrepoint de Sydney. L’œuvre utilisait le potentiel cinématographique et narratif des images panoramiques à très haute résolution afin de créer une mise en scène spectaculaire du patrimoine culturel esthétique urbain. Ceci était rendu possible grâce aux mouvements, à l’intérieur du panorama sphérique d’origine, d’une caméra virtuelle qui zoomait sur certains des lieux historiquement, culturellement ou socialement marquants de Sydney, qui étaient enrichis d’éléments visuels tirés des archives de la bibliothèque d’État de Nouvelle-Galles du Sud. Les paysages emblématiques de la ville offraient leurs secrets aux spectateurs que Zooming Sydney mettait face à des images historiques : panoramas de Sydney, photographies, dessins, gravures et aquarelles, qui dessinaient collectivement le passé de la ville dans toute sa richesse et sa diversité.

Zooming Sydney a permis de transformer le couloir anonyme d’une gare en une trajectoire spatiale par le biais d’un écran large. La conjonction du flux cinématographique et de la texture narrative dans cette installation convenait parfaitement aux modes d’observation et d’expérience péripatétiques partagés par tous les usagers des transports en commun de Sydney : il y avait une forme de convergence entre leurs trajets et les mouvements projetés sur l’écran. Cette œuvre participe également d’une fascination culturelle plus large et en plein essor pour les écrans larges dans les espaces publics. On peut envisager ces formats comme une « nouvelle dimension de l’espace public et de l’agentivité citoyenne », la démonstration de la capacité des architectures immersives à favoriser une régénération culturelle urbaine[20]. Crucialement, l’immersion a franchi les murs des organisations culturelles et crée de nouvelles façons de « voir le voir » tout en redéfinissant les « régimes scopiques » de la modernité[21].

Plutôt que d’accepter l’histoire dominante d’une évolution qui culmine avec le cinéma, Jonathan Crary dessine les contours d’une histoire politique de la conformation du corps – transcender le corps pour s’adapter aux dispositifs de vision. Si les « techniques de l’observateur » qui se sont développées au XIXe siècle utilisaient toutes sortes d’extensions spatiales et perceptuelles, certains facteurs ont favorisé certains modes de réception par rapport à d’autres[22]. Les dispositifs optiques du XIXe siècle qui ont survécu sont ceux qui combinaient deux caractéristiques : premièrement, ils étaient suffisamment « fantasmagoriques », en ce sens qu’ils possédaient la capacité de créer une illusion et d’en cacher le processus de production ; deuxièmement, ces dispositifs étaient ceux susceptibles de créer des expériences présupposant un corps immobile et passif. La stéréographie dissimulait ainsi son mécanisme dans le boîtier de l’appareil, et renforçait par là cette nature fantasmagorique. De la même manière, Walter Benjamin estimait que l’aspect « fantasmatique » était le point central de la culture visuelle au milieu du XIXe siècle. Cette fascination pour ce qui est (in)visible ou fantasmatique perdure aujourd’hui à travers les nouveaux médias, et ressort particulièrement dans le cas des systèmes interactifs numériques où règne la « magie » de l’illusion. Parmi ces systèmes, on trouve l’hyper réalité des effets spéciaux (générés par ordinateurs) pour le cinéma et les jeux video, ou encore la réalité augmentée qui intègre des éléments virtuels dans des scènes tirées du monde réel.


Figure 5 Pure Land Augmented Reality Edition, Sarah Kenderdine, Jeffrey Shaw & Leith Chan (2012).


Cinquième et dernier exemple de mon travail, Pure Land (AR) Augmented Reality Edition (2012) montre comment la rencontre avec un écran, mobile comme muséologique, est transformée dans les approches de l’immersion utilisant la réalité augmentée : ici, cette transformation passe par la reconfiguration des données à l’origine du panorama immersif omnidirectionnel de la grotte N°220 de Dunhuang afin d’en créer une nouvelle version. Les visiteurs utilisent des écrans de tablettes comme dispositifs de vision mobiles : des « fenêtres » permettant d’explorer la grotte à l’échelle un. Les peintures et sculptures de la grotte sont modélisées virtuellement et intégrées à l’architecture d’une simple pièce rectangulaire de mêmes dimensions que la grotte n°220. Les murs de la salle d’exposition sont couverts d’impressions à taille réelle du maillage polygonal du ‘wireframe’, issus de la numérisation laser de la grotte, pour créer un alignement structurel et esthétique entre l’espace de la grotte et celui de l’exposition, donnant ainsi aux visiteurs des indices visuels pour faciliter la navigation et l’exploration.

Pure Land AR repose sur l’utilisation de caméras infrarouges qui suivent précisément la position et l’orientation des tablettes. Les visiteurs qui se déplacent dans l’espace d’exposition avec cette interface en main peuvent voir l’intérieur de la grotte à travers leur « fenêtre » mobile et font l’expérience d’une révélation kinesthésique des peintures ornant l’espace architectonique. L’écran de la tablette fournit un cadre qui crée un lien direct entre le regard du spectateur et ses mouvements à travers l’espace physique, ce qui lui permet de passer d’un simple environnement télévisuel à une performance incarnée. Au gré des photographies prises avec leur tablette respective, le partage de cette expérience favorise l’émergence de discussions spontanées entre visiteurs et les encourage également à diffuser cette imagerie dans les mondes exponentiels des réseaux sociaux.

L’ancien PDG d’Intel Brian Krzanich déclarait en 2014 :


Nous sommes au cœur d’une transformation, nous passons d’un monde d’écrans et de dispositifs à un monde d’expériences immersives.[23]


Les images ont cependant toujours été l’objet de technologies médiatiques d’illusion spatiale, d’immersion et de monstration, chaque époque essayant de maximiser l’illusion par tous les moyens alors disponibles. Dans cet article, j’ai voulu diversifier les façons dont nous décrivons et contextualisations les interfaces immersives pensées pour les musées dans un monde où les écrans prolifèrent, et remettre en question les idées reçues sur l’état actuel des médias immersifs. Me situant au carrefour du patrimoine culturel numérisé, du design de systèmes immersifs et de la muséologie expérimentale, j’ai eu l’occasion à la fois de théoriser et de pratiquer le développement de technologies immersives dans des modèles d’expositions variés, en ayant pour objectif de concevoir une terminologie apte à rendre les paramètres conceptuels complexes de ce champ, ce que j’appelle la « grammaire » de l’immersion numérique. Ces modes de participation et de présence ont repoussé et même aboli les frontières conventionnelles entre les dimensions cinématographiques, muséologiques et citoyennes des espaces. La généalogie de l’immersion n’est pas seulement plus ancienne, mais englobe une gamme bien plus large de modes de réception et de médias qu’on ne le croit. Ainsi, le récent « retour » à l’immersion est inséparable de cette histoire étendue et interdisciplinaire des médias. De plus, les liens entre musées et cinéma autour d’une « vision immersive » peuvent être envisagés comme une étape dans l’évolution plus profonde de l’immersion : à la fois lutte contre le spectacle de « parc d’attraction[24] », mais aussi contre « l’impossibilité de l’interface parfaite[25] ». Pourtant, à l’heure où les musées élargissent leurs espaces traditionnels et leur programmes interprétatifs pour inclure ces nouvelles modalités, il faut résister à la tendance à associer l’expérimentation avec l’irréalisable et l’échec potentiel. Les musées courent un risque bien plus grand : celui de sous-traiter le design et la création de nouveaux modes d’expérience et de concevoir les visions futures de la conservation comme de la muséologie à partir des orientations déterminées et commercialisées par le secteur de la technologie. Afin d’éviter un tel écueil, il est essentiel que les scénographes du futur – les directeurs, conservateurs, artistes et créateurs qui concevront ces nouveaux domaines – comprennent et explorent ces grammaires changeantes de l’immersion.


[1] Alison Griffiths, Shivers down your spine: Cinema, museums, and the immersive view (New York: Columbia University Press, 2008).

[2] “stimulate a rush of interest, prompt user participation, [and] foster immersion in an extraordinary environment”, Barbara Maria Stafford, ‘Reconceiving The Warburg Library as a Working Museum of the Mind’, Common Knowledge, vol. 18, no. 1 (2012), pp. 182–183.

[3] Tony Bennett, ‘Civic seeing: museums and the organisation of vision’, in Sharon MacDonald (ed.), Companion to museum studies (Oxford: Blackwell, 2006), pp. 263–81.

[4] Oliver Grau, Virtual art: From illusion to immersion (Cambridge, MA: MIT Press, 2003), p. 5

[5] Marshall McLuhan, Understanding Media: The extensions of man (New York: McGraw-Hill, 1964); Paul Virilio, ‘Speed and information: Cyberspace alarm!’,  Arthur Kroker and Marilouise Kroker (sous la dir. de.), Ctheory.net (1995), <http://www.ctheory.net/articles.aspx?id=72> consulté le 21 juillet 2019.

[6] “three-dimensional synthesis enables the artist to intervene not only on the image, but inside the image […] Image becomes architecture”, Frank Popper, Art of the electronic age (London: Thames & Hudson Ltd, 1993).

[7] Sur le concepte of ‘présence’, voir Carrie Heeter, ‘Being There: The Subjective Experience of Presence’, Presence, vol. 2 (1992), pp. 262–271. doi: <https://doi.org/10.1162/pres.1992.1.2.262>

[8] McConville, ‘Cosmological cinema: pedagogy, p. 20.

[9] Sarah Kenderdine, ‘Speaking in Rama: Panoramic vision in cultural heritage visualisation’, Fiona Cameron & Sarah Kenderdine (sous la dir. de), Digital cultural heritage: A critical discourse (Cambridge, MA: MIT Press, 2007), pp. 301–32.

[10](a) chance to try on death without cost”, Griffiths, Shivers down your spine, p. 286.

[11] Ibid.

[12] Les références completes sur la série Pure Land sont accessibles à l’adresse suivante: <https://sarahkenderdine.info/> consulté le 21 juillet 2019.

[13] Kenderdine, ‘Speaking in Rama’, pp. 301–32.

[14]space with respect to our characteristically upright posture [loses its] privileged directionality”, Barbara Maria Stafford, ‘Form as figuring it out: Toward a Cognitive History of Images’, Echo objects: The cognitive work of images (Chicago: University of Chicago Press, 2007), p. 40.

[15] David McConville, ‘Cosmological cinema: pedagogy, propaganda, and perturbation in early dome theaters’, Technoetic Arts: A Journal of Speculative Research, vol. 5 no. 2 (2007), p. 69. <http://www.trans-techresearch.net/wp-content/uploads/2015/05/TTReader2010_003-david-mcconville.pdf> consuté le 23 juillet 2019.

[16] Nick Lambert, ‘Domes and creativity: a historical exploration”, Digital Creativity, vol. 23, no. 1 (2012), pp. 5–29.

[17] “user perceives and experiences the act of interacting with the system under the potential scrutiny of spectators […] it is precisely this awareness of the potentiality of a spectator that transforms the user into a performer”, Peter Dalsgaard and Lone Koefoed-Hansen, ‘Performing perception – staging aesthetics of interaction’, Transactions on Computer-Human Interaction (TOCHI), ACM, vol. 15, no. 3 (2008), Article No. 13.

[18] Bennett, ‘Civic seeing’, pp. 263–81.

[19] Anne Friedberg, The Virtual Window: From Alberti to Microsoft (Cambridge, MA: MIT Press, 2006), p.3.

[20] “new dimension of public space and civic agency”, Scott McQuire, Nikos Papastergiadis and Sean Cubitt, ‘Public screens and the transformation of public space’, in Refractory: A journal of entertainment media, vol. 12 (2008) online, < <http://refractory.unimelb.edu.au/2008/03/06/public-screens-and-the-transformation-of-public-space/> accessed 21 July 2019.

[21] See John Berger, Ways of Seeing (London: BBC and Penguin Books, 1972), et Martin Jay ‘Scopic regimes of modernity’, Hal Foster (sous la dir. de), Vision and visuality (Seattle: Bay Press, 1988).

[22] Jonathan Crary, Techniques of the Observer. On Visions and Modernity in the Nineteenth Century (Cambridge, MA: MIT Press, 1990).

[23] Brian Krzanich, ‘A Revolution in The Making’, (2014), International CES 2014, keynote transcript, <https://singjupost.com/ces-2014-show-keynote-brian-krzanich-intel-ceo/?singlepage=1> consulté le 21 juillet 2019.

[24] Griffiths, Shivers down your spine, p. 159.

[25] Siegfried Zielinski, Deep time of the media: Toward an archaeology of hearing and seeing by technical means, trad. Gloria Custance (Cambridge, MA: MIT Press, 2006), p. 259.



La mise à disposition, la médiation, la vulgarisation scientifique ou encore la fréquentation des patrimoines, par le biais de dispositifs numériques implique-t-elle de nouvelles expériences esthétiques ? Visites virtuelles, interfaces permettant de modifier la présentation des oeuvres (mise en valeur d’un détail par le grossissement ou le recadrage, défilement plus ou moins rapide des images, médiations variées) : les dispositifs hésitent entre immersion ( immediacy ) et médiation ( hypermediacy ), et changent parfois la perception de l’oeuvre en en donnant à voir des aspects qui ne sont pas accessibles au regard du visiteur du musée, voire à un oeil humain non aidé par la technologie.

Les interfaces et les nouvelles gestuelles et temporalités qui leur sont liées (feuilletage, “pinch” et “zoom” des écrans tactiles, “multitasking” et visionnage mobile), ont fait naître un nouveau type de réception, dérivé des régimes d’économie de l’attention qui se sont développés plus généralement à la faveur des utilisations numériques. Dans quelle mesure la main prime-t-elle sur l’oeil, la manipulation sur la contemplation, la gestion d’un temps limité sur la curiosité ?

Dans certains cas, comme celui des expositions du centre d’art numérique “L ’Atelier des Lumières”, l’expérience peut sembler prendre le pas sur l’appréciation de l’oeuvre pour elle même. L’alliage, à des fins de diffusion et de vulgarisation, entre patrimoine, et numérisation en 3D ou Réalité Virtuelle soulève d’autant plus d’interrogations, que la pratique s’en est développée plus rapidement que l’appareil critique qui permettrait d’en apprécier l’impact. S’agit-il d’une nouvelle culture du spectaculaire et de l’affect qui met à mal la distance nécessaire à un regard analytique ? Ou un nouvel outil de vulgarisation qui rend le patrimoine culturel et artistique plus accessible ? Entre sacralisation et démocratisation, ce nouveau type de mise en valeur ou d’exploitation du patrimoine marque t-il la fin de l’aura telle que l’annonçait Walter Benjamin après l’invention de la photographie, ou favorise-t-il, en encourageant de nouveaux rituels (selfies et vidéos), l’émergence d’un nouveau régime auratique, lié à la nature sensationnelle de l’expérience ?

Pistes de réflexion:[modifier | modifier le wikicode]

● Les nouveaux supports génèrent-ils des perceptions différentes des oeuvres ? Existe-t-il des enquêtes sur les nouvelles lectures, les nouvelles expériences cinématographiques, auditives et visuelles ?

● Peut-on mesurer, par les moyens de la psychologie expérimentale ou des neurosciences, ces différences de perception et de fonctionnement sensoriel ?

● Vers de nouveaux lieux d’expérience, de diffusion des patrimoines à l’image de la salle obscure pour le cinéma, du white cube/galerie/musée pour l’art, la salle 3D pour les patrimoines numérisés (type Atelier des Lumières, Tapisserie de Bayeux en 3D à toucher pour les personnes non voyantes)?


Bibliographie:[modifier | modifier le wikicode]

● CONTE, Elaine et DEVECHI, Catia Piccolo Viero. “The aesthetic experience in times of technological virtualization”. Cadernos de Pesquisa , 2016, vol. 46, no 162, p. 1216-1233.

● DALL'ARMELLINA, Luc. Un nouveau dispositif pour le film?. Cahier Louis-Lumière , 2006, vol. 4, no 4, p. 162-172.

● ROUFFINEAU, Gilles. Entre jeu et récit, les conditions de l'expérience esthétique dans les éditions numériques off-line . 2006. Thèse de doctorat.

● THÉLY, Nicolas, Le tournant numérique de l’esthétique: comment Internet et les technologies numériques changent les pratiques artistiques , Publie.net, 2012, 200p.